Décès de Naomi Musenga : dysfonctionnements multiples et démission du patron du Samu

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Par Elia VAISSIERE, François D'ASTIER - Strasbourg (France) (AFP)
Publié le 20 juin 2018 - 21:32
Mis à jour le 21 juin 2018 - 00:04
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Six mois après la mort de Naomi Musenga dont l'appel de détresse avait été raillé par une régulatrice du Samu de Strasbourg, un rapport de l'Igas, publié mercredi, a pointé des dysfonctionnements dans cette affaire qui avait bouleversé la France, entraînant la démission immédiate du responsable du Samu.

"La procédure générale de régulation" appliquée par le Samu au moment du décès le 29 décembre 2017 de Naomi Musenga n'était "pas conforme aux recommandations de bonnes pratiques" et "source de risque pour les patients", souligne l'Inspection des affaires sociales (Igas).

L'Igas pointe les réponses "non adaptées de l'assistante de régulation médicale" qui avait employé un "ton dur, intimidant et déplacé face (aux) demandes d'aide réitérées" de la jeune femme, décédée à l'âge de 22 ans.

"Le ton employé (...) et les propos tenus sont particulièrement choquants" d'autant qu'ils s'adressent "à une personne qui exprime une grande souffrance, allant même jusqu'à évoquer sa mort prochaine", insiste l'inspection.

Après la publication du rapport, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) ont annoncé avoir "accepté" la démission du responsable du Samu, auquel l'Igas reproche notamment un défaut "d'accompagnement de la famille".

Ce médecin, qui travaillait de longue date pour les HUS, avait présenté sa démission début mai, lorsque l'affaire avait éclaté, a indiqué à l'AFP le directeur des HUS, Christophe Gautier.

L'assistante de régulation, qui avait réceptionné l'appel de la victime, fait l'objet d'"une suspension à titre conservatoire depuis le 9 mai". Une "procédure disciplinaire sera également engagée" à son encontre, selon M. Gautier.

Les dysfonctionnements soulevés par l'Igas ont "conduit à un retard global de prise en charge de près de 2h20", bien que "seule une expertise clinique permettrait de mesurer la perte de chance" de survie.

"Alors que tout appel à caractère médical devrait être +régulé+ par un médecin, la procédure en vigueur au Samu de Strasbourg permettait aux assistants de régulation médicale, dans certains cas, de traiter seuls ce type d'appels", déplorent les inspecteurs.

- Plan d'action -

Et tandis que les procédures en vigueur à Strasbourg prévoyaient le transfert de l'appel à un médecin régulateur en cas de "douleur abdominale", ce dont se plaignait précisément Naomi Musenga, l'appel n'a pas été transmis "bien que deux médecins soient présents".

L'opératrice du Samu n'a posé "aucune question permettant d'éclairer l'état clinique de la patiente" et conseillé plusieurs fois à la jeune femme d'appeler SOS Médecins.

L'Igas relève aussi que le transfert de l'appel entre l'opératrice des pompiers et sa collègue du Samu s'est "fait sur un ton moqueur".

Face à cette situation, les inspecteurs ont appelé les HUS à élaborer "sans délai" un "plan d'action" que le directeur de l'établissement s'est engagé à mettre en oeuvre "complètement".

Dans un communiqué, quatre syndicats d'urgentistes ont constaté que les recommandations de l'Igas étaient "en parfait accord" avec les leurs.

Révélée début mai par l'hebdomadaire alsacien Heb'di, qui avait mis en ligne sur son site l'enregistrement de l'appel, l'affaire avait provoqué une vague d'indignation.

Une semaine plus tard, un millier de personnes avaient défilé en silence à Strasbourg pour rendre hommage à la jeune femme et réclamer "justice et vérité". "Plus jamais ça", avait lancé sa mère devant la foule.

"On veut savoir: s'il y avait eu une intervention avant, peut-être qu'elle aurait eu des chances d'être sauvée?", a réagi devant la presse le frère aîné de Naomi, Gloire Musenga.

"On veut savoir pourquoi notre soeur est morte, pourquoi il y a eu tous ces dysfonctionnements du début à la fin et on ne le sait toujours pas", a-t-il soupiré.

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, s'était déclarée "profondément indignée", dénonçant de "graves dysfonctionnements". Elle avait indiqué fin mai avoir "connaissance d'une dizaine d'affaires" comparables.

La ministre avait demandé aux urgentistes de lui faire des propositions d'ici au 1er juillet pour "améliorer les pratiques" dans trois domaines: la formation des assistants de régulation, la refonte et l'harmonisation des procédures du Samu au niveau national et l'instauration d'une "démarche qualité".

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