Deux hommes jugés à partir de lundi sur l'attribution du marché du "Pentagone français"

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Par Caroline TAIX - Paris (AFP)
Publié le 26 janvier 2020 - 15:50
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L'entrée du nouveau bâtiment du ministère de la Défense, baptisé le "Pentagone français" ou le "Balardgone", en octobre 2015 à Paris
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© Joël SAGET / AFP/Archives
L'entrée du nouveau bâtiment du ministère de la Défense, baptisé le "Pentagone français" ou le "Balardgone", en octobre 2015 à Paris
© Joël SAGET / AFP/Archives

Y a-t-il eu de la corruption et du favoritisme en coulisses de l'attribution du marché du "Pentagone à la française"? Deux hommes, un ancien militaire et un homme d'affaires, sont jugés à partir de lundi à Paris, quatre ans après l'inauguration du nouveau ministère de la Défense.

Le "Balardgone", projet lancé en 2007 par Nicolas Sarkozy et inauguré fin 2015 par François Hollande, regroupe les trois armées, terre, mer et marine. Environ 9.000 personnes travaillent dans l'immense bâtiment, situé dans le quartier Balard dans le sud de Paris, dans le XVème arrondissement.

Au centre du procès: l'attribution en février 2011 de ce marché de plus de 3,5 milliards d'euros - un partenariat public-privé - à un consortium mené par Bouygues. L'enquête avait démarré en 2010, alors que l'appel d'offre était en cours, après un signalement anonyme. Deux hommes ont été renvoyés devant le tribunal: un ancien militaire soupçonné d'avoir dérobé des documents confidentiels, Fabrice Couderc, et un homme d'affaires franco-tunisien, Karim Aïssa.

En revanche, un haut responsable de Bouygues, pour lequel le parquet national financier (PNF) avait requis un procès, a bénéficié d'un non-lieu du juge d'instruction.

Les enquêteurs ont découvert que Karim Aïssa oeuvrait pour obtenir des informations confidentielles sur des procédures d'appel d'offre: il les négociait ensuite auprès des candidats afin de leur permettre d'avoir un avantage concurrentiel. Pour le Balardgone, trois candidatures avaient été retenues: celle d'Eiffage, de Vinci et de Bouygues. Des documents confidentiels sur les offres initiales des candidats ont été découverts lors de perquisitions chez Karim Aïssa.

Il était parvenu à entrer en contact avec Fabrice Couderc, capitaine de l'armée de terre, qui travaillait alors à la Direction mémoire patrimoine archives (DMPA), qui traitait de l'ensemble de l'immobilier de la Défense. Karim Aïssa lui aurait promis en échange de documents une somme d'environ 80.000 euros, mais aucune contrepartie financière n'a été versée.

L'ancien militaire affirme de son côté avoir transmis seulement des informations et des documents d'ordre général, comme des brochures explicatives sur la finalité du projet.

- Manque de rigueur -

Comment des documents confidentiels sur le futur ministère de la Défense ont-ils ainsi pu circuler? La gestion des documents classifiés a pu manquer de rigueur, selon le magistrat instructeur. Ils pouvaient rester sur des tables dans les bureaux, sans être systématiquement détruits ou enfermés dans des coffres. De quoi faciliter les vols.

Karim Aïssa sera jugé pour "recel de favoritisme" et "corruption active". Fabrice Couderc comparaîtra lui pour "favoritisme" et "corruption passive".

Karim Aïssa était en contact avec un cadre de Bouygues, qu'il avait rencontré lorsqu'il travaillait pour le groupe. Les empreintes de ce salarié du groupe de BTP ont été retrouvées sur les documents. Mais il a toujours affirmé avoir informé sa hiérarchie de ces échanges et avoir décliné la proposition de l'homme d'affaires.

Bouygues a cependant présenté une nouvelle offre, moins onéreuse par rapport à ce qui avait d'abord été rendu, et a finalement remporté le marché. Mais selon le juge d'instruction, "il n'a pas été possible d'établir un lien entre les informations contenues dans les documents détenus par Karim Aïssa et les améliorations apportées à Bouygues dans son offre finale".

Les avocats de Fabrice Couderc, David Apelbaum et Margaux Durand-Poincloux, vont plaider la relaxe. "Fabrice Couderc n'est pas celui qui a transmis les documents confidentiels. (...) On n'a pas le vrai responsable à la barre", a affirmé à l'AFP Me Durand-Poincloux. "Il est démontré qu'il n'a pas touché d'argent. Qui ferait ça gratuitement?". Fabrice Couderc a été licencié par l'armée, vit dans une HLM en banlieue parisienne: "c'est le seul qui a payé dans cette affaire", déplore l'avocate.

Contacté par l'AFP, l'avocat de Karim Aïssa n'a pas souhaité communiquer avant l'audience.

Le procès, qui se penchera sur un autre dossier impliquant l'homme d'affaires, le marché de plateforme de la Poste en Martinique, doit se terminer le 5 février.

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