Les agriculteurs bloquent des dépôts de pétrole, le gouvernement reste ferme

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Par Isabel MALSANG, avec les bureaux régionaux de l'AFP - Paris (AFP)
Publié le 11 juin 2018 - 10:05
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Des agriculteurs bloquent l'accès de la bioraffinerie Total de La Mède, le 10 juin 2018 à Châteauneuf-les-Martigues, dans les Bouches-du-Rhône
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© BERTRAND LANGLOIS / AFP
Des agriculteurs bloquent l'accès de la bioraffinerie Total de La Mède, le 10 juin 2018 à Châteauneuf-les-Martigues, dans les Bouches-du-Rhône
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Les agriculteurs, qui bloquent depuis dimanche soir dépôts de carburants et raffineries pour protester contre l'importation de produits agricoles contraires aux normes imposées en France et en Europe, sont prévenus: le gouvernement "ne reviendra pas" sur l'autorisation donnée à Total d'importer de l'huile de palme.

"Ces blocages sont illégaux", a déclaré lundi le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, estimant que "ce n'est pas en bloquant" des raffineries "qu'on trouvera des solutions".

Il s'est néanmoins engagé à recevoir mardi les représentants de la FNSEA et ceux des Jeunes Agriculteurs (JA), syndicats qui ont appelé aux blocages pour trois jours reconductibles.

Les paysans ont déployé des tracteurs et des bottes de paille, et répandu des tas de fumier ou de terre devant 14 raffineries ou dépôts de carburant.

Ils veulent que le gouvernement renonce à son contingent d'importation d'huile de palme et dénoncent ses "incohérences" : inciter les agriculteurs français à monter en gamme, tout en concluant des accords de commerce internationaux qui provoquent des distorsions de concurrence.

"Le gouvernement ne reviendra pas dessus" l'autorisation donnée à Total d'importer de l'huile de palme pour alimenter sa bioraffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône), qui doit démarrer cet été, a déclaré M. Travert. Jusqu'à 300.000 tonnes par an de cette huile hautement controversée car accusée de favoriser la déforestation en Asie du Sud-Est, doivent être importées. L'agriculture française affirme pouvoir fournir davantage d'huile de tournesol ou de colza, mais plus chère.

A La Mède, une cinquantaine d'agriculteurs étaient rassemblés lundi matin. Les camions de l'usine ont dû faire demi-tour, seuls les salariés ont pu entrer.

"C'est un coup de semonce au gouvernement. Nous ne pouvons pas nous aligner sur les cerises de Turquie, le blé canadien, le bœuf argentin ou l'huile de palme asiatique. S'ils continuent, c'est la mort de l'agriculture française" a prévenu Jean-Paul Comte, président de la FRSEA Paca.

"L'organisation est faite pour durer" car "le dialogue est rompu", a renchéri Damien Greffin, président de la FRSEA d'Ile-de-France, devant le dépôt de Grigny (Essonne).

Vingt-cinq tracteurs se dirigeaient lundi matin vers le port rhodanien Edouard-Herriot, selon la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. Et près d'une centaine d'agriculteurs se relaient depuis dimanche pour bloquer le port et la raffinerie de Feyzin au sud de Lyon.

Devant la raffinerie de Grandpuits en Seine-et-Marne, le sénateur LR Pierre Cuypers est venu soutenir les agriculteurs.

"N'importons pas l'agriculture que nous ne voulons pas !", est le slogan utilisé par les agriculteurs dans leurs tweets, autour du mot-clé #SauvezLesAgris.

- Pas de pénurie en vue -

Nécessitant jusqu'à 650.000 tonnes de matières premières par an, la bioraffinerie de La Mède utilisera aussi d'autres huiles, dont 50.000 tonnes de "colza français", avait promis début juin le PDG de Total, Patrick Pouyanné.

Inacceptable pour les agriculteurs: "Nous allons perdre 400.000 hectares de colza sur 1,5 million d'hectares au total", estime Samuel Vandaele, secrétaire-général du syndicat des Jeunes agriculteurs.

Le mouvement est observé avec intérêt par les ONG environnementales, d'ordinaire opposées à la FNSEA dans les dossiers phytosanitaires.

"Aujourd'hui 50% des biocarburants consommés en France sont déjà importés (...) Et dans ces 50%, on est parfois sur des taux à 75% d'huile de palme. Ca veut dire que le biocarburant qui va être produit à la Mède contiendra moins d'huile de palme, 50% maximum, que ce que nous importons actuellement", a argumenté Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat à la Transition écologique.

En dénonçant les effets dans l'assiette d'accords commerciaux internationaux de libéralisation, comme le CETA signé avec le Canada, l'accord UE-Mercosur en cours de négociation, les paysans espèrent gagner le soutien des consommateurs.

"En Amérique du sud, la taille moyenne d'un élevage est de 24.000 bovins, en France un agriculteur élève en moyenne 80 vaches allaitantes, et on nous demande d'être toujours plus vertueux sur le plan de l'environnement", proteste Christiane Lambert, présidente de la FNSEA.

Les agriculteurs demandent aussi l'interdiction d'importer toute denrée produite avec des substances phytosanitaires interdites dans l'Union européenne.

Une pénurie de carburant n'est pas à craindre dans l'immédiat, la France comptant sept raffineries en activité, 200 dépôts de carburant et des stocks stratégiques pour trois mois.

im-est-ngu-cha-tll/tq/phc/shu

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