Dix ans après une grave pollution au plomb, les Ardennais de Bourg-Fidèle veulent tourner la page

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Par Dominique CHARTON - Bourg-Fidèle (France) (AFP)
Publié le 26 octobre 2019 - 11:02
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Bruno Beaujot, vice-président de l'Association de protection et de défense de l'environnement de Bourg-Fidèle (Ardennes), devant l'usine Métalblanc, le 24 octobre 2019.
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© FRANCOIS NASCIMBENI / AFP
Bruno Beaujot, vice-président de l'Association de protection et de défense de l'environnement de Bourg-Fidèle (Ardennes), devant l'usine Métalblanc, le 24 octobre 2019.
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A Bourg-Fidèle, petite commune rurale des Ardennes, Métalblanc ne semble plus plomber l'ambiance. Près de dix ans après sa condamnation pour une grave pollution aux métaux lourds, l'entreprise de recyclage de batteries au plomb usagées, classée Seveso seuil haut, a su se faire oublier.

"Métalblanc, on vit avec ! On n'en parle plus vraiment...", balaie le maire de Bourg-Fidèle, Eric Andry. Même en pleine actualité de l'incendie de Lubrizol à Rouen, "ce n'est plus un sujet de conversation", confirme la patronne de "Chez Catherine et Fanfan", seul bar de ce village de 886 habitants proche de Rocroi.

Pourtant, durant les années 1990, un climat de "quasi-guerre civile", selon l'expression du maire, avait durablement fracturé le bourg entre pro et anti-Métalblanc. Emploi versus environnement.

La découverte d'impressionnants taux de plomb rejetés par l'entreprise dans l'air et, surtout, les sols et la rivière avait enflammé le bourg et entraîné la condamnation en 2010 pour mise en danger de la vie d'autrui de Métalblanc, contrainte de mettre en conformité son site.

"Des centaines de kilos!", se souvient Eric Andry. "Des agriculteurs ont vu leurs bêtes mourir quand elles pâturaient non loin de l'établissement. Il y a eu des cas de saturnisme chez certains enfants".

Aujourd'hui, hormis "le ronronnement permanent" de l'usine qui fonctionne en 3/8 et une odeur soufrée récurrente dont se plaignent les habitants, l'entreprise jadis montrée du doigt s'est fondue dans le paysage local. Bourg-Fidèle comme Métalblanc veulent tourner la page.

- "Ici, c'est pas +Plus belle la vie+!"

L'entreprise, dont la capacité de production est de 25.000 tonnes par an et qui emploie 45 personnes, est "une des plus belles usines de recyclage en Europe et avec les meilleures performances environnementales", vante Christophe Crespin, dirigeant et actionnaire de l'entreprise depuis 2007. "Un seul scooter brûlé dans la rue va avoir plus d'impact qu'une année complète de fonctionnement de l'usine", affirme-t-il encore.

"Depuis 2010, les investissements ont été supérieurs à 13,7 millions d'euros" pour mettre l'usine aux normes, ajoute M. Crespin, qui présente son entreprise comme l'archétype de l'économie circulaire.

"Non, ici, c'est pas +Plus belle la vie+!", rétorque Bruno Beaujot, vice-président de l'Association de protection et de défense de l'environnement de Bourg-Fidèle, qui a été en pointe dans la lutte contre Métalblanc.

Et, s'il concède des "améliorations", il concentre désormais son combat sur le danger que représente, à ses yeux, l'usine pour les utilisateurs du gymnase, quasi-mitoyen du site.

"Il y a des rejets diffus, des poussières que l'on ne voit pas. C'est ce qu'il y a de plus dangereux", met-il en garde.

Les certifications de l'entreprise, la surveillance de ses rejets et le contrôle de son environnement proche par un organisme indépendant agréé par le ministère de l'Environnement, la publication des résultats ou la mise en place de mesures de maîtrise des risques ne parviennent pas à rassurer ce gendarme retraité.

"Les gens ne sont pas inquiets parce qu'ils ne sont pas au courant!", déplore-t-il.

"Je trouve dommage qu'une ou deux personnes du village restent bloquées dans des histoires vieilles de plus de vingt ans et s'auto-alimentent de fantasmes et de vieilles rancœurs", regrette pour sa part le dirigeant de Métalblanc.

La fermeture de ce poumon économique pour la commune et tout le plateau de Rocroi n'est en tout cas plus du tout à l'ordre du jour.

"Nous, on essaie d'avoir confiance", dit le maire de Bourg-Fidèle, qui confie tout de même à voix basse sur le seuil de sa mairie: "Une usine comme ça n'a plus lieu d'être dans une commune rurale".

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