Dominique Bons, mère combattante contre la dérive jihadiste

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Par Catherine BOITARD - Toulouse (AFP)
Publié le 08 mars 2019 - 10:35
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Dominique Bons qui a fondé l'association "Syrien ne bouge agissons", chez elle à Toulouse le 28 février 2019
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© ERIC CABANIS / AFP
Dominique Bons qui a fondé l'association "Syrien ne bouge agissons", chez elle à Toulouse le 28 février 2019
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En décembre 2013, son fils Nicolas s'est fait exploser en Syrie dans un attentat contre un village chiite. Depuis, Dominique Bons se bat pour éviter que d'autres ne vivent son "échec".

Trois semaines après l'annonce de ce décès -- "un sms disant qu'il était mort en martyr" -- elle fonde son association "Syrien ne bouge agissons".

La mort de Nicolas, à 30 ans, suit de quelques mois celle de son demi-frère, Jean-Daniel, parti avec lui et tué dans une bataille.

"Je ne pouvais pas rester comme çà, j'allais mourir de chagrin, pour le mien, c'était trop tard mais je voulais essayer que cela n'arrive pas aux autres", raconte dans son pavillon toulousain ce petit bout de femme, dont les grands yeux bleus mangent un visage marqué.

A 60 ans à l'époque, cette adjudante à la retraite ne connaît "rien au milieu associatif", est "totalement seule", avec comme "unique soutien" le correspondant à Toulouse du journal Libération, entretemps décédé.

Très vite, les messages affluent de "plein de familles", plus d'une centaine. Pour avoir vécu, impuissante, la dérive de son fils, Dominique Bons se donne pour mission de les informer, rassembler, soutenir.

L’Etat, juge-t-elle, les abandonne à leur sort, sans informations, sans assistance: "On ne nous donne même pas de certificat de décès, sous prétexte que certains pourraient en fait se cacher pour revenir".

- "Brebis galeuses" -

Pour "sensibiliser et prévenir", cette native du sud de la France à la verve méridionale construit aussi un récit, simple et direct, de l'itinéraire de son fils.

Un parcours de rupture -- père absent après le divorce parental, consommation de cannabis, confrontation avec la justice, errance professionnelle -- qu'elle livre à des publics de jeunes, tablant sur l'empathie, la livraison brute d'un vécu, plus que sur la théorisation.

"Son discours fait la différence car il n'est pas haineux, il est apaisé et apaisant", relève Ouisia Kies, sociologue à l'EHESS et spécialiste de la radicalisation, qui, comme d'autres experts, accompagne l'association.

"C'est une battante, très investie", salue-t-elle.

Mais pour Dominique Bons, l'engagement se complique avec les attentats de Paris en 2015, qui font émerger des profils d'enrôlés bien éloignés de celui qu'elle trace de son fils, un "bon garçon" perdu et manipulé.

Les proches des jihadistes deviennent aussi des "brebis galeuses" auxquels les institutions tournent le dos, déplore-t-elle. "C'est encore plus difficile pour les familles musulmanes".

Pas question pourtant de baisser les bras, d'autant qu'un nouveau combat s'engage avec la question du retour des jihadistes français vaincus et de leurs familles, alors que le dernier bastion de l'organisation de l’État islamique (EI) cède en Syrie.

- "Rapatrier les petits" -

"Même avec les enfants, l'opinion publique est négative, c'est un truc de fou, les gens disent qu'ils n'ont tous qu'à crever là-bas", alors qu'il y a "des grands-parents en demande, prêts à les recueillir", s'indigne-t-elle.

Pour elle, "ce qu'il faut c'est rapatrier les petits, après la justice fera le reste". Elle admet toutefois que "c'est très compliqué, car dans le flot qui est parti, beaucoup ont vraiment adhéré, y compris les nanas".

Dans la région, elle est notamment en contact avec les parents de Quentin Le Brun, qui a rallié l'EI depuis 2014 avec son épouse. Le couple, avec quatre enfants dont trois nés en Syrie s'est récemment rendu aux Forces démocratiques syriennes, les grands-parents espèrent depuis pouvoir les prendre en charge.

Mais comme "ce n'est pas parce que Daech est battu en Syrie que les recrutements vont s'arrêter", Dominique Bons entend aussi poursuivre son action de prévention.

Avec l'acteur Vincent Dufour, elle a écrit une pièce "Chahid" ("Martyr") redonnant voix à son fils, qu'elle voudrait voir jouée et débattue dans les établissements scolaires, une proposition qui a retenu l'intérêt du rectorat de Toulouse.

"De toute manière, personne n'a la solution, mais au moins dire les choses, ça aide", lâche-t-elle.

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