En proie à la sécheresse, les agriculteurs auvergnats implorent le ciel

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Par Karine ALBERTAZZI - Crevant-Laveine (France) (AFP)
Publié le 19 juillet 2019 - 20:34
Mis à jour le 20 juillet 2019 - 14:58
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L'éleveur Romain Chauffour, victime de ls sécheresse, lors d'une interview avec l'AFP, le 18 juillet 2019 à Crevant-Laveine, dans le Puy-de-Dôme
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© JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP
L'éleveur Romain Chauffour, victime de ls sécheresse, lors d'une interview avec l'AFP, le 18 juillet 2019 à Crevant-Laveine, dans le Puy-de-Dôme
© JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Lorsque Romain Chauffour, éleveur à Crevant-Laveine (Puy-de-Dôme), pénètre dans son champ, une botte de foin encore enrubannée au bout de la fourche de son tracteur, ses vaches charolaises l'attendent de pied ferme, soulevant de leurs sabots une terre devenue poussière.

"Elles n'ont rien à manger. Le champ, c'est un paillasson", déplore cet éleveur de 33 ans, déjà contraint d'entamer les stocks de fourrage prévus pour l'hiver.

Cela fait plus d'un an qu'il n'y a pas eu de véritable épisode pluvieux sur la ferme familiale de 175 hectares, qui compte 300 vaches. Romain Chauffour vit cet été sa deuxième sécheresse d'affilée.

"Les rares pluies fin juin - deux fois 15 mm - ont à peine mouillé la végétation. Les derniers orages de pluie vraiment abondante datent de juin 2018", détaille le jeune éleveur auvergnat, dont les rendements ont subi de plein fouet les caprices de la météo.

Faute de repousse suffisante au printemps, seul un tiers de la production habituelle de foin a été rentré dans les hangars de stockage. Juste de quoi tenir l'été.

Et avec la canicule, même le sorgho, céréale originaire d'Afrique pourtant moins gourmande en eau que le maïs, a "cramé" sur place. Dix hectares inutilisables, même pour les vaches, se lamente M. Chauffour, qui n'est pas assuré contre les aléas climatiques pour ses prairies.

Les fortes températures annoncées pour les jours à venir préoccupent aussi le père de l'agriculteur. "Certaines bêtes ont maigri, d'autres vont vraisemblablement avorter avec ces chaleurs", s'alarme Didier Chauffour, 56 ans, en faisant la navette entre sa citerne et les abreuvoirs à moitié vides de l'exploitation.

- Le spectre de 2003 -

Oubliés les verdoyants pâturages du Massif central. Comme 60 autres départements français, le Puy-de-Dôme a encore été placé en alerte sécheresse cette année.

"Entre janvier et juin 2019, le déficit de pluviométrie atteint entre 30 et 55% par rapport à une année normale à certains endroits du département, comme dans la plaine de la Limagne ou le nord des Combrailles", détaille le directeur départemental des territoires, Armand Sanséau.

Le faible indice d'humidité des sols "flirte avec les records" et les débits d'étiage des cours d'eau ont déjà atteint les niveaux les plus bas, avec "deux à trois mois d'avance sur l'année", prévient-il, anticipant "des difficultés d'approvisionnement en eau potable de certains villages et hameaux du département"

Une situation qui rappelle la canicule mémorable de 2003. "Le problème serait moins grave si la problématique ne se cumulait pas d'une année sur l'autre. On s'attend aussi à un effondrement des rendements céréaliers et de la production de lait", ajoute Jean-François Ponsot, chef du service Economie des filières à la Chambre régionale d'agriculture d'Auvergne-Rhône-Alpes.

Comme chez Patrick Levet, producteur de lait pour la fabrication du Saint-Nectaire, à Mazoires. L'année dernière, il avait perdu 100.000 litres, soit un quart de sa production. Ses 60 vaches laitières qui pâturent à 1.100 mètres d'altitude manquent encore cruellement d'herbe cette année.

"On vit au jour le jour en espérant que la pluie arrive au plus vite. Si cette situation d'urgence devient la norme, ce sera catastrophique", prévient l'éleveur de 40 ans.

- Bêtes à vendre-

Avec aucune goutte de pluie annoncée dans les prochains jours et les investissements engagés dans un atelier d'engraissement, l'exploitation du GAEC des Chauffour risque une perte de revenus de 30% cette année, même si elle peut compter sur un réseau de céréaliers voisins prêts à lui vendre de la paille à prix correct ou à l'échanger contre du fumier.

Pour limiter les besoins en trésorerie et le nombre de bouches à nourrir, la décapitalisation du cheptel semble inéluctable. "On va devoir vendre une trentaine de bêtes non reproductrices, le plus rapidement possible, avant que le cours de la viande bovine, peu élevé, ne s'oriente encore un peu plus à la baisse", soupirent le père et son fils.

"Le moral est au plus bas. On craint forcément des abandons et de nouveaux suicides". Une inquiétude partagée par les chambres d'agriculture et des syndicats du département, assaillis d'appels d'agriculteurs "paniqués".

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