Enquête et interrogations autour du suicide d'Evaëlle, 11 ans, harcelée au collège

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Par Sarah BRETHES - Herblay (France) (AFP)
Publié le 17 décembre 2019 - 08:39
Mis à jour le 19 décembre 2019 - 18:04
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Capture d'écran d'une vidéo AFP montrant des photos d'Evaëlle, le 12 décembre 2019 à Herblay
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© Aurelia MOUSSLY / AFP
Capture d'écran d'une vidéo AFP montrant des photos d'Evaëlle, le 12 décembre 2019 à Herblay
© Aurelia MOUSSLY / AFP

Dans sa chambre, son cartable est resté ouvert au pied du bureau. Six mois après le suicide d'Evaëlle, harcelée au collège, ses parents et la justice cherchent à comprendre ce qui a poussé cette fillette de 11 ans à se pendre à son lit.

Début novembre, sa professeure de français a été brièvement placée en garde à vue. Le lendemain, le parquet de Pontoise ouvrait une information judiciaire pour des faits de harcèlement, visant l'enseignante et cinq élèves de sixième d'un collège d'Herblay (Val-d'Oise). L'enquête a aussi été ouverte contre X pour homicide involontaire.

Dans le pavillon des parents d'Evaëlle, Marie et Sébastien D., le temps semble s'être figé le 25 juin.

Aucun des deux n'a réussi à reprendre le travail, à la protection judiciaire de la jeunesse et dans l'informatique. Seul leur fils a eu "le courage" de retourner au collège dont ils avaient retiré Evaëlle en février au terme de cinq mois d'enfer.

"Il a déjà perdu sa sœur, on ne pouvait pas en plus le couper de ses amis et de son environnement", souffle son père.

Pour Evaëlle, décrite par ses parents comme "précoce et extravertie", tout a commencé à la rentrée 2018 avec une histoire de cartable trop lourd, source de conflit avec l'une de ses enseignantes qui fait d'elle sa "tête de turc".

Après des rendez-vous avec la direction de l'établissement, puis la professeure, les choses semblent se calmer. La petite fille paraît joyeuse, ne traîne pas des pieds pour aller au collège où elle participe au club théâtre, à la web radio.

Fin novembre 2018, Evaëlle tente pourtant de mettre le feu à la maison. "On lui a dit qu'elle aurait pu tuer son frère. Elle a répondu en pleurant qu'elle voulait juste se tuer elle". Les parents "tirent alors le signal d'alarme" auprès du collège où, "à force de la voir se faire pourrir tous les jours par sa prof, des élèves ont repris le flambeau".

- "Ecoutez vos enfants" -

En février, des garçons poussent la collégienne sur la chaussée quand arrive le bus.

Puis ce sont deux séances de "débat" organisées en classe par la professeure de français autour du "thème" : "Pourquoi Evaëlle se sent-elle harcelée?". "Ça a viré au tribunal populaire", dit son père.

A la pause de midi, des élèves la font tomber d'un banc et la frappent au sol.

Ses parents disent "stop": ils la retirent du collège, portent plainte contre trois élèves - on les décourage alors de le faire contre l'enseignante.

S'ils ne veulent pas faire d'Evaëlle un étendard de la lutte contre le harcèlement scolaire, ils estiment que son histoire a tout d'un "cas d'école" où "personne n'a rien fait pour que ça s'arrête". "On veut juste que les gens soient responsables de leurs actes, les enseignants sont des justiciables comme les autres", disent-ils.

L'enseignante visée, "très affectée par ce drame", ne souhaite pas faire de commentaire, selon son avocate, Anne Bourdeau-Bulot. En arrêt de travail, sa cliente "bénéficie du soutien de sa hiérarchie et du rectorat".

Interrogé par l'AFP, le rectorat de l'Académie de Versailles affirme quant à lui "avoir été mobilisé dès le début". Il indique qu'un "suivi de trois élèves" a été mis en place et qu'une exclusion temporaire a été prononcée. Une enquête administrative est par ailleurs menée par l'Inspection générale de l'Education nationale dans les deux collèges où la fillette a été scolarisée.

Selon une source proche de l'enquête, plus de 100 personnes ont été auditionnées avant que le parquet n'ouvre une information judiciaire visant la professeure et cinq élèves - quatre garçons et une fille. "Quatre semblent commencer à comprendre la gravité des faits, tout comme l'enseignante", selon cette source.

Dans son nouveau collège à Herblay, les choses "semblaient aller beaucoup mieux" pour Evaëlle, suivie par un psy. Mais "quand un camarade a balancé ses affaires par terre, ça a été la goutte d'eau, elle a eu peur de revivre la même chose", analyse sa mère.

"Le collège, c'est la jungle. Notre fille n'a trouvé que ce geste là pour s'en sortir. Si vos enfants vous disent qu'ils ne vont pas bien, écoutez-les", dit son père qui ne cesse de s'interroger sur ce qu'il "aurait dû faire".

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