Expulsion de sans-papiers délinquants : application du droit ou "double peine" ?

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Par AFP
Publié le 18 octobre 2017 - 21:01
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Des étrangers dans la cour du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot le 4 juin 2007 prè
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Des étrangers dans la cour du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot le 4 juin 2007 près de Roissy
© JOEL SAGET / AFP/Archives

Emmanuel Macron a promis l'expulsion pour les étrangers en situation irrégulière commettant "un acte délictueux quel qu'il soit". Si l'exécutif dit vouloir utiliser les possibilités offertes actuellement par la loi, certains, selon leurs sensibilités politiques, applaudissent ou dénoncent une forme de "double peine".

- Une notion très politique -

Schématiquement, la "double peine" désigne le fait pour un étranger ayant commis un crime ou un délit de se voir emprisonné, puis éloigné du territoire. Son titre de séjour, s'il en a un, lui est retiré.

Mais Emmanuel Macron faisait allusion aux étrangers "en situation irrégulière", n'ayant donc pas de titre de séjour, comme le Tunisien qui a tué deux femmes le 1er octobre à Marseille et avait évité le placement en rétention après des "dysfonctionnements" administratifs.

Ils peuvent, indépendamment de leurs démêlés judiciaires, être éloignés, c'est la loi. Il n'y a pas, stricto sensu, de "double peine".

Cela n'a pas empêché le maire LR de Nice Christian Estrosi de se féliciter du "retour de la double peine". Une demande récurrente d'une partie de la droite et de l'extrême droite, alors que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, s'était targué en 2003 de l'avoir supprimée.

Car la notion est un fort marqueur politique. Pour Serge Slama aussi, professeur de droit à l'université de Grenoble et proche du Gisti qui défend les étrangers, on assiste à "une nouvelle forme de double peine". "On peut parler de double peine au sens moral", puisqu'"on ajoute le bannissement à l'emprisonnement", estime Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade.

- Une notion encadrée -

Encadré par la justice européenne au nom du "droit au respect de la vie privée et familiale", l'éloignement des étrangers délinquants est régi en France par plusieurs textes.

Les ordonnances de novembre 1945 sur le droit au séjour prévoient que "l'expulsion peut être prononcée si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public".

Cet article a été restreint à plusieurs reprises pour protéger de l'expulsion les étrangers dont l'essentiel des liens sociaux ou familiaux sont en France, notamment en 1981 par les socialistes arrivés au pouvoir, puis en 2003 par la droite.

Parler d'abrogation, comme Nicolas Sarkozy l'avait fait alors, était toutefois "une présentation politique fallacieuse, parce que ça n'a jamais été le cas", souligne-t-on à l'Intérieur.

Selon l'article 131-30 du Code pénal, "la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit".

L'éloignement se fait par un arrêté d'expulsion ou une interdiction de territoire français (ITF), au nombre de 1.750 en 2016.

Comme pour les étrangers en situation irrégulière, une Obligation de quitter le territoire (OQTF) peut être prononcée pour ceux résidant en France depuis moins de trois mois en cas de menace pour l'ordre public.

- Des consignes réitérées -

"A loi constante, on prendra des mesures plus dures, on va faire ce qu'on doit faire", a promis M. Macron après le double meurtre à Marseille.

Une circulaire de l'Intérieur a donc rappelé aux préfets l'éventail des possibilités légales: il s'agit de lutter "avec la plus grande fermeté" contre l'immigration irrégulière, "en particulier" dans le cas des étrangers "représentant une menace pour l'ordre public".

Mais au-delà, la circulaire "refait le point sur l'ensemble des étrangers représentant une menace", indique-t-on aussi à l'Intérieur.

Ainsi "l'éloignement des étrangers en fin d'une peine d'emprisonnement doit être une priorité, qu'ils soient en situation irrégulière ou qu'ils représentent une menace pour l'ordre public".

- Un risque d'amalgame? -

Parler dans un même mouvement de différentes catégories d'étrangers inquiète les associations, qui y voient un "raccourci".

"Cela alimente de façon irresponsable l'amalgame entre lutte contre l'immigration irrégulière et lutte contre le terrorisme", assure M. Mas.

La Cimade avait déjà dénoncé un mélange des genres à l'occasion du vote de la loi antiterroriste, avec l'extension des contrôles en zones frontalières servant selon elle à contrôler l'immigration.

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