Fin prochaine du plan grand froid, retour à la rue "comme du linge sale" pour les sans-abri

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Par Alexandra DEL PERAL - Paris (AFP)
Publié le 15 mars 2018 - 13:54
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Un homme sans abri dans une rue de Paris le 28 février 2018
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© Philippe LOPEZ / AFP/Archives
Un homme sans abri dans une rue de Paris le 28 février 2018
© Philippe LOPEZ / AFP/Archives

Pour Jean, Moussa et Mohamed, l'arrivée du printemps signifie le retour à la rue. Comme eux, près de 2.000 personnes à Paris vont bientôt faire face à la fermeture des centres d’hébergement d'urgence, ouverts dans le cadre du plan grand froid.

Assis sur sa chaise, coudes sur la table et pieds nus: Mohamed, 35 ans se met à l'aise. Ce grand gaillard au visage rond dort depuis trois semaines dans un centre de mise à l'abri situé dans le chic quartier parisien du Marais. "J'ai pris mes habitudes, je suis bien ici", dit-il avec un large sourire.

Pourtant, à l'évocation de la fermeture prochaine de son centre, le 26 mars, son visage se crispe: "j'essaie de ne pas trop y penser mais ça me fait peur car je n'ai nulle part où aller".

Non loin de lui, Jean, 33 ans, à la rue depuis plus d'un an, ne parvient pas à masquer sa colère. "Où va-t-on aller?", demande-t-il. "Nous n'avons ni famille, ni amis capables de nous héberger. On va finir à la rue, comme d'habitude j'ai envie de dire", peste-t-il dans son coin.

Le local qui les accueille est un ancien lieu d'exposition, propriété d'un bailleur social, mis à disposition de l'association Aurore, spécialisée dans l’hébergement et l’accompagnement des personnes en situation d'exclusion.

Sur les sept centres ouverts par Aurore, quatre ont déjà fermé, selon des chiffres communiqués par l'association. Même constat du côté de l'association Emmaüs où les fermetures de centres se succèdent depuis la hausse du mercure.

"Lorsque les températures étaient négatives, des voisins ont voulu nous ramener des couvertures et de la nourriture. Malheureusement quand il fait plus chaud, ces propositions se font plus rares", raconte Sidi Ahmed, veilleur de nuit dans plusieurs centres gérés par Aurore, alors qu'une nouvelle vague de froid est attendue ce week-end en Ile-de-France.

Selon elle, la préfecture de Paris a octroyé aux associations un délai, permettant à certaines structures de rester ouverte malgré la fin attendue du plan grand froid, "mais cela veut aussi dire qu'une fois le 31 mars dépassé (fin de la trêve hivernale), il y aura des retours massifs de sans-abri à la rue", affirme à l'AFP Nicolas Hué, assistant opérationnel chez Aurore.

Au total, près de 3.100 places supplémentaires ont été ouvertes en Ile-de-France durant le plan grand froid, soit quelque 2.100 places à Paris, selon des chiffres de la préfecture.

- "Les uns sur les autres" -

Si Mohamed et Jean peuvent profiter d'un certain répit, le retour à la rue est déjà une réalité pour Raymond. La modeste salle qui l’accueillait dans la mairie du 3e arrondissement de la capitale a fermé ses portes lundi. "On nous fout dehors comme un paquet de linge sale", dit-il avec amertume.

Cet homme de 51 ans, qui raconte avoir "perdu pied" à la mort de sa femme et de ses enfants, est sans-abri depuis 14 ans. Malgré "le mépris" et "les insultes" auxquels il dit faire face quotidiennement dans la rue, Raymond reste combattif. Il vient même de décrocher un travail dans un restaurant mais, s'interroge-t-il, "comment vais-je pouvoir le garder sans endroit ou dormir?".

Depuis la fermeture de son centre, le quinquagénaire refuse d’appeler le 115 car, selon lui, "les seules places libres sont dans des endroits où nous sommes entassés les uns sur les autres avec souvent des gens à problème".

Mais pour Sidi Ahmed, comme dans toute vie en communauté, il faut des règles: "la semaine dernière, des esprits se sont un peu trop enthousiasmés lors du match PSG-Real, empêchant certains sans-abri de dormir. Dans ce cas, on intervient mais ça reste bon enfant".

En finir avec le sans-abrisme, comme l'a fait la petite ville canadienne de Medicine Hat, c'est l'ambition du plan quinquennal du gouvernement +Logement d'abord+ qui propose d'en finir avec ces structures d'urgence et permettre l'accès direct à un logement. Si les associations partagent la philosophie du projet, elles demandent toutefois au gouvernement de passer à l'action.

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