Gaspard Forest défend les rivières en exposant ce qui les pollue

Auteur:
 
Par Odile DUPERRY - La Tronche (France) (AFP)
Publié le 19 juillet 2019 - 09:51
Image
Gaspard Forest débarasse l'Isère de quelques déchets, le 17 juillet 2019 près de La Tronche
Crédits
© ROMAIN LAFABREGUE / AFP
Gaspard Forest débarasse l'Isère de quelques déchets, le 17 juillet 2019 près de La Tronche
© ROMAIN LAFABREGUE / AFP

Un grand gaillard descend d'un talus surplombant l'Isère, avance vers la quatre-voies, charriant un énorme sac de détritus tirés de la rivière, et les dispose en tas, bien en vue des conducteurs. Gaspard Forest n'est pas fou, il milite.

Plus proche de la nature que des études d'ingénieur auxquelles il était prédestiné, M, Forest, traits fins et corps d'athlète, a été bûcheron pendant six ans.

Mais un coup de tronçonneuse au poignet gauche, en 2018, dont la cicatrice inégale reste bien visible, lui signale "qu'il est temps d'arrêter".

Ses nouveaux projets professionnels capotent. Parallèlement, pour "se sentir utile", il commence à ramasser des déchets, constatant "qu'au bord des rivières c'est l'hécatombe".

"Le petit projet dépasse alors le grand projet de reconversion". A 32 ans, il a un but, "que le problème de la pollution des rivières soit considéré, reconnu et traité".

Il a ainsi quelques points d'action, à Grenoble et ses environs. Ces temps-ci, il se consacre à un terrain de la commune limitrophe de La Tronche, occupé jusqu'à décembre par une famille vivant en baraquement et officiellement nettoyé par la métropole.

- "Vacciné" -

Un lieu désormais envahi d'orties et de moustiques, où M. Forest ramasse absolument de tout, à l'aplomb de l'Isère ou en équilibre précaire dans le lit de la rivière.

Tuyau d'aspirateur, paquet de prospectus encore ficelé, mètres de clôture, câble électrique, caddy de supermarché, scie sauteuse, batterie de voiture, morceau de toit en fibrociment "potentiellement amianté"... Il prend peu de précautions mais est "vacciné contre le tétanos".

Son tas constitué, à 100 mètres de là devant la station Total, il y appose une grande pancarte, "Dépollution bénévole rivières" en lettres capitales, avec son adresse mail. C'est ainsi que la police municipale l'a verbalisé à plusieurs reprises.

Dans la foulée, le parquet de Grenoble l'a fait entendre par la police nationale. Cette fois, il pressent que sa démarche a été mieux comprise.

Le maire DVG de La Tronche Bertrand Spindler reconnaît "qu'il y a du travail à faire sur les berges de l'Isère", mais la mairie "utilise le temps et l'énergie d'abord pour résorber l'habitat indigne". Il juge néanmoins "intéressant" ce travail de "lanceur d'alerte".

Le député de l'Isère Olivier Véran (LREM) a passé un moment avec Gaspard Forest la semaine dernière, débarrassant lui-même quelques sacs de déchets, et soulignant "l'énorme tâche à accomplir" pour assainir les rivières du département.

Gaspard Forest espérait un soutien clair d'Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble.

A l'hôtel de Ville, on dit "reconnaître son travail d'intérêt général", et on assure qu'il a été "reçu à deux reprises" par les personnes en charge des déchets à la mairie et à la métropole, mais qu'il a "refusé les soutiens pratiques, gants, pinces, ramassage".

- Perpétuité -

"On ne m'a pas reçu, c'est moi qui me suis présenté à eux dans des réunions publiques", proteste calmement Gaspard Forest. "Et, oui, j'ai refusé les aides matérielles, car mon but n'est pas d'être nettoyeur bénévole à perpétuité, mais d'instaurer un changement".

Le jeune homme est heureux des soutiens qu'il reçoit, notamment sur Facebook, car "ce n'est pas toujours facile de faire quelque chose qui peut paraître ridicule".

Il assure "ne vouloir servir personne ni nuire à personne", et ne s'imagine pas sur une liste électorale, tout en se décrivant en souriant comme "un OPNI, objet politique non identifié". Il juge "important de voter", sans dévoiler ses préférences.

"J'ai fait le premier pas, j'aimerais qu'on fasse le deuxième : il ne s'agit pas de draguer toutes les rivières, mais de faire quelque chose de raisonnable, à pied, plus ponctuellement avec des pelles mécaniques, des grappins ou des treuils forestiers", détaille l'ex-bûcheron.

Cela prendra du temps. Il ne souhaite pas d'aides d'Etat comme le RSA mais avec quelques économies, un mode de vie "minimaliste", végétarien notamment, Gaspard Forest affirme pouvoir encore consacrer des mois à veiller au grain.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.