Gilets jaunes : les ruraux estiment subir les "transitions" gouvernementales

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Par Isabel MALSANG - Paris (AFP)
Publié le 17 novembre 2018 - 07:30
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Jacline Mouraud, dans sa voiture à Bohal, dans l'ouest de la France, le 13 novembre 2018
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© DAMIEN MEYER / AFP/Archives
Jacline Mouraud, dans sa voiture à Bohal, dans l'ouest de la France, le 13 novembre 2018
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De nombreux ruraux ou habitants de petites villes devraient participer aux protestations contre la hausse des carburants samedi, reflet d'inquiétudes autour d'une série de "transitions" qu'ils ont la sensation de subir.

Attend-on beaucoup d'agriculteurs parmi les "gilets jaunes"?

Des trois principaux syndicats agricoles, un seul a ouvertement soutenu le mouvement des "Gilets jaunes": la Coordination rurale. Mais les trois ont exprimé leur "compréhension" des problèmes spécifiques des ruraux.

Par crainte de récupération politique, la FNSEA majoritaire n'a pas lancé d'appel à manifester, mais se dit "solidaire du malaise de la ruralité", avec les Jeunes Agriculteurs.

"Derrière la colère qui s'exprime sur le carburant, c'est aussi le ras-le-bol des territoires ruraux qui explose à la vue de tous. Le ras-le-bol de tous les ruraux, qui n'ont aucun autre choix que de prendre leur voiture pour aller travailler, de tous ceux qui se sentent aujourd'hui citoyens de seconde zone, car laissés de côté par les politiques publiques", estime la FNSEA.

Quant à la Confédération paysanne, elle regrette la "récupération de ce mouvement par l'extrême-droite" mais exprime sa compréhension de "la colère populaire".

"Il y a eu l'exode rural au siècle dernier, il ne faudrait pas qu'il y ait sécession rurale", s'était inquiété le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume le 29 octobre.

Vendredi, il a souligné qu'il "comprenait" la souffrance de la ruralité, où l'on utilise beaucoup de diesel, le carburant dont le prix augmente le plus, mais a défendu la "cohérence" de la politique suivie en matière environnementale.

Pourquoi le sujet des transports est-il si sensible?

"Entre l'absence de transports en commun, la fermeture des gares, l'augmentation du prix des carburants, le renchérissement des contrôles techniques pour les voitures et la perte des points de permis liée à la limitation de vitesse à 80 km/h, la ruralité risque bientôt d'être assignée à résidence", résume à l'AFP Vanik Berbérian, président de l'association des maires ruraux.

"On nous demande un changement de mode de vie radical, mais il n'y a aucune proposition réaliste derrière", ajoute-t-il.

Dans une chronique récente, l'essayiste Jacques Attali, l'ancien sherpa de François Mitterrand, suggérait qu'une "priorité" soit donnée aux moyens de transport de substitution (bus, train, taxi collectif, prises pour batteries électriques, livraisons par drone, véhicules autonomes) dans les zones rurales pour permettre la transition environnementale.

Hervé Morin, président de la région Normandie et de Régions de France, plaide quant à lui pour la multiplication des transports par bus, moins chers et plus souples, quitte à abandonner le ferroviaire.

Selon lui, les "nouveaux modèles" de transport devraient mieux prendre en compte la réalité des déplacements des populations, qui n'est plus dominée par des déplacements à heures fixes.

Y a-t-il d'autres sujets de mécontentement?

"Depuis 30 ans que je suis maire, je me bats pour le maintien des services publics, mais la tendance à la fermeture des écoles, maternités etc. a démarré bien avant l'arrivée de M. Macron au pouvoir", constate M. Berbérian, maire de Gargilesse dans l'Indre, un bourg de 350 habitants.

Il juge que la création récente d'un grand ministère de la Cohésion des Territoires et des relations avec les collectivités constitue "une bonne chose", mais regrette que le mot ruralité "n'apparaisse même pas".

"On n'a pas pris la mesure du problème" affirme-t-il à l'AFP, alors que le vote protestataire ou radical "gonfle d'élection en élection" dans les villages.

Dans l'éducation, le syndicat SE-Unsa regrette la fermeture cette rentrée de 200 classes dans les 48 départements classés comme ruraux par l'Insee, accompagnée de 260 fusions et de 33 fermetures d'écoles.

"On arrive au bout de la logique des regroupements, car on est confronté à des durées de transport trop longues pour les enfants", explique à l'AFP Xavier Suelvès, chargé du premier degré au syndicat.

Enfin, la publication prévue début 2019 d'une ordonnance séparant le conseil et la vente en matière de pesticides agricoles risque d'avoir des conséquences sociales inattendues.

Cette mesure, destinée à faire baisser les ventes de produits phytosanitaires et encourager une transition agroécologique de l'agriculture française, risque de déboucher sur un "plan social en zones rurales", s'est émue la fédération du négoce agricole cette semaine. Les coopératives agricoles et négociants sont bien souvent les principaux employeurs dans les campagnes.

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