Gweltaz Thirion, l'oiseau de nuit devenu capitaine du Belem

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Par Charlotte DURAND - Port-Vendres (France) (AFP)
Publié le 30 novembre 2018 - 12:33
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Gweltaz Thirion devant le "Belem" à Port-Vendres, le 14 novembre 2018.
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© RAYMOND ROIG / AFP
Gweltaz Thirion devant le "Belem" à Port-Vendres, le 14 novembre 2018.
© RAYMOND ROIG / AFP

Ex-videur, barman, vigile de concert, mais aussi simple matelot: le commandant breton Gweltaz Thirion - pourtant fils, petit-fils et arrière-petit-fils de marins - a connu tours et détours avant de devenir capitaine du trois-mâts historique Le Belem.

L'imposant Breton de 42 ans, né à Brest et élevé entre l'île de Ouessant et Saint-Malo, est en réalité arrivé tardivement dans la profession. Crâne rasé et barbe au vent, des traces de piercing laissent deviner l'ancien oiseau de nuit.

"L’école c’était pas trop mon truc. Je me suis arrêté à Bac -1", plaisante-t-il, racontant que son allergie aux salles de classe remonte au CE1 et à une institutrice, pourtant bretonnante, qui refusait de l'appeler correctement par son prénom.

Celui qui déteste les clichés - "non, je ne poserai pas à coté de la barre !" - en a fait une philosophie de vie, avec son parcours atypique : il passe un temps impressionnant au lycée, enchaînant CAP mécanique, BEP de vente, deux Première technologiques et une tentative de passer le Bac en candidat libre.

Résultat ? A 22 ans, "je n'ai toujours pas le Bac. Et je ne l'aurai jamais. Comme quoi, ça n'empêche pas de faire des choses !".

Gweltaz Thirion enchaîne alors les petits boulots, barman ou videur de boîtes de nuit. Il écume les concerts, prêtant main forte à l'installation ou à la sécurité. Un peu perdu, le Ouessantin décide de retourner sur son île, qui lui permet de "reprendre des forces".

Il raconte, dans une histoire aux inflexions mystiques, comment il a eu une révélation lors d'une sieste sur "l'herbe confortable", "le bruit de la mer" en fond.

"Quand je me suis réveillé, les idées étaient claires", explique le commandant Thirion avec ses yeux bleus perçants: "je voulais être marin". A 25 ans, l'oiseau de nuit devient alors oiseau des mers.

Guidé "pour la première fois par l'envie", le jeune homme navigue cette fois-ci à un rythme de croisière dans ses études. Rapidement, il travaille comme matelot à bord d'un bateau de pêche, puis vogue auprès du CNRS ou de l'Ifremer.

-- Avec le Père Jaouen --

Parmi ses expériences, une le marque profondément: en 2004, Gweltaz Thirion embarque sur la goélette "Bel Espoir", sous la houlette du Père Jaouen, figure emblématique qui faisait naviguer des jeunes en difficulté avec l'objectif de les réinsérer.

A l'évocation du "curé des mers", décédé en 2016, lui monte un sourire jusqu'aux oreilles, puis vient l'incapacité de parler pendant plusieurs minutes. Son silence dense en dit long sur ce sensible qui se cache.

"C'était un grand homme, quelqu'un qui démerdait les gens, les sortait du quotidien où ils étaient empêtrés", finit-il par dire d'une voix qui déraille. Il évoque aussi en riant "un homme d'une mauvaise foi extraordinaire pour un curé".

"Ca a été un apprentissage de la tolérance, qui a influencé ma façon de commander", juge le capitaine, qui n'a pas rasé son impressionnante barbe depuis cette époque.

Après une dizaine d'années en tant que matelot, il embarque sur le Belem en 2014 comme lieutenant, promu capitaine en 2016. A bord de "cette vieille dame de 122 ans", le nouveau capitaine, "abordable", est apprécié pour son exigence.

"Le Commandant Thirion a commencé matelot, ce qui est loin d'être le cas de tous les capitaines", confie le marin Michael Bailly, "il a une vraie compréhension de notre travail, et ça se ressent dans ses ordres".

Le capitaine, lui, regrette que les officiers français n'aient pas une formation obligatoire plus concrète, au milieu des bouts et des aussières. "Et qu'on fasse un peu plus les chiottes aussi, ça en calmerait certains !", plaisante-il à moitié.

Lui-même entretient une relation émotionnelle au Belem. Taiseux sur sa vie privée, M. Thirion confie tout de même y avoir de magnifiques souvenirs de son "petit bigorneau de trois ans" gambadant sur le pont. Il y a aussi rencontré sa nouvelle compagne, stagiaire du bateau-école.

Gweltaz Thirion ne veut pas pour autant "s'enfermer à l'intérieur de Belem" et cherche une nouvelle "façon de voir les échanges commerciaux" du côté des cargos à voile écologiques. L'homme de conviction est prêt à prendre un nouvel envol.

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