"Il a sa clé, il fait ses courses" : quand héberger un réfugié est "une évidence"

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Par Agnes COUDURIER, Claire GALLEN - Ermont (France) (AFP)
Publié le 24 octobre 2018 - 14:17
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Des migrants à Calais, le 8 août 2015
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© Philippe HUGUEN / AFP/Archives
Des migrants à Calais, le 8 août 2015
© Philippe HUGUEN / AFP/Archives

"Il a sa clé, il fait ses courses. Moi, j'accueille, et il y a un grand respect mutuel": après neuf mois de cette drôle de colocation, Véronique vit comme "une évidence" d'avoir ouvert sa porte à Jarar, un réfugié afghan ayant passé trois ans à la rue.

Depuis janvier, le couturier de 45 ans habite une chambre baignée de lumière au premier étage de la maison d'Ermont, dans le Val-d'Oise. "Les deux aînés étaient partis, j'avais une chambre de libre... ça me trottait depuis un moment dans la tête", raconte l'infirmière de 54 ans.

Un coin dans le frigo, une salle d'eau qu'il partage avec le fils aîné de Véronique, quelques règles de vie comme de sonner avant d'entrer et de ne pas recevoir d'amis... "Accueillir, c'est facile", assure-t-elle.

"Véronique est comme une sœur avec moi. Sans elle, ça aurait été plus difficile pour parler", explique Jarar, un homme souriant derrière ses petites lunettes.

Il a pourtant fallu trouver ses marques: "Au début, je l'invitais à table, mais j'ai vite compris qu'il n'avait pas envie de partager les repas". Il n'allume pas la cheminée non plus. "Je ne cherche plus les raisons. On me demande de l'héberger, et je me suis remise à ma juste place. Je ne vais pas sauver Jarar", explique Véronique.

Dans la chambre du couturier, un drapeau français est accroché sous la fenêtre.

Tous deux se sont rencontrés par le biais de l'association Singa, qui met en relation hébergeurs et réfugiés depuis 2015. "514 réfugiés ont été accueillis, pour des périodes de trois à douze mois, leur permettant de se consacrer à leur projet d'intégration sociale", explique Vincent Berne, le coordinateur du programme.

Jarar ainsi trouvé en août un CDD chez Emmaüs où il travaille comme couturier. Ses créations, des sacs en toile, sont accrochés aux montants des chaises, entre les murs aux couleurs gaies de la salle à manger.

- Crédit d'impôt -

Au delà de Singa, d'autres associations ont développé leurs réseaux d'hébergement citoyen: le Service jésuite des réfugiés (2.400 personnes mises en relation), la Fédération de l'entraide protestante (96 réfugiés du Liban via un couloir humanitaire)...

Depuis deux ans, les pouvoirs publics cherchent à promouvoir ce type d'hébergement, dont le bilan est jugé "extrêmement positif" par Sylvain Mathieu, délégué interministériel à l'hébergement et à l'accès au logement, même si "ce ne sera jamais un élément majeur de l'accueil".

Les députés ont adopté la semaine dernière un amendement au projet de budget 2019, prévoyant un crédit d'impôt de 5 euros par nuit - dans la limite de 1.500 euros par an - pour les personnes hébergeant des réfugiés. "On ne réussira pas (l')intégration si les Français et les réfugiés ne se connaissent pas", a plaidé le député LREM Aurélien Taché.

L'intérêt est aussi financier, souligne Didier Leschi, le patron de l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration): 13.000 réfugiés sont hébergés dans les centres pour demandeurs d'asile où "une nuit coûte 17 euros".

Avec ses 45 ans, Jarar n'est qu'en partie représentatif du public visé. "La plupart de ceux qui viennent à notre rencontre sont des hommes seuls" qui "ont le moins facilement accès à d'autres dispositifs d'hébergement ou d'accueil", explique M. Berne. Mais le problème est particulièrement aigu pour les jeunes, nombreux, et sans ressources.

Selon M. Berne, près de 30% des personnes accueillies ont un emploi à la sortie du programme (contre 6% à l'entrée), 30% reprennent leurs études ou une formation professionnelle. Surtout, 63% trouvent un logement et "c'est ce qui met fin à la cohabitation".

Ce n'est pas encore le cas de Jarar, alors que la fin de la colocation approche. Ira-t-il en centre d'hébergement, trouvera-t-il un logement autonome? Pour Véronique, une chose est sûre: même si elle n'a plus le suivi de l'assistante sociale apporté par Singa, "je ne le mettrai pas à la porte".

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