Incendie meurtrier dans un bar à Rouen en 2016 : ouverture du procès

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Par Chloé COUPEAU - Rouen (AFP)
Publié le 09 septembre 2019 - 10:29
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Le bar "Au Cuba Libre" après un incendie qui a fait 14 morts, le 6 août 2016 à Rouen
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© MATTHIEU ALEXANDRE / AFP/Archives
Le bar "Au Cuba Libre" après un incendie qui a fait 14 morts, le 6 août 2016 à Rouen
© MATTHIEU ALEXANDRE / AFP/Archives

Porte de secours verrouillée, dancing isolé avec un matériau extrêmement inflammable: les deux gérants du "Cuba Libre", un bar de Rouen où 14 personnes sont mortes dans un incendie en 2016, répondent à partir de lundi devant les juges de la longue série de négligences qui a conduit à la catastrophe.

Ces frères de 48 et 40 ans comparaissent, libres, devant le tribunal correctionnel de Rouen pour "avoir involontairement causé la mort" de 14 personnes et en avoir involontairement grièvement blessé cinq autres, par une kyrielle de "violations manifestement délibérées d'une obligation de sécurité ou de prudence".

Le procès doit durer sept jours.

"C'est une terrible tragédie qui aurait pu être évitée", résume Fabien Picchiottino, avocat de deux des blessés interrogé par l'AFP. La plupart des victimes avaient entre 18 et 25 ans. La plus âgée avait 41 ans.

Cette nuit du 5 au 6 août 2016, elles fêtaient les 20 ans d'une jeune femme dans le sous-sol de 24,4 m2 de ce bar aménagé sans autorisation en boîte de nuit, lorsque deux bougies du gâteau d'anniversaire, de type fontaine à étincelles, ont enflammé le plafond de l'escalier étroit, très pentu et bas de plafond.

L'incendie du Cuba libre sera le plus meurtrier de France depuis 2005.

- "Piège" -

"Les experts qui vont venir témoigner, les pompiers, les policiers, tous diront clairement que cette cave c'est un piège qui s'est refermé sur 14 malheureuses victimes", avance Marc François, l'avocat de la famille d'une victime décédée, interrogé par l'AFP.

La liste des manquements à la sécurité établis par les enquêteurs est longue: les prévenus ont "laissé verrouillée l'unique porte de secours du sous-sol". Les murs et les plafonds étaient recouverts de plaques de mousse en polyuréthane insonorisante mais extrêmement inflammable et fumigène. Leur combustion produit des fumées très toxiques dans des quantités qui ont entraîné des décès très rapides.

Les enquêteurs ont aussi relevé "l'absence de système de désenfumage, l'absence de système d'alarme" et pointé du doigt l'accès à cette salle "par un escalier particulièrement étroit et inadapté à une évacuation rapide et dont le décroché à son issue était lui-même recouvert desdites plaques de mousse".

Le plafond se trouvait parfois seulement à 1,60 mètre du sol dans l'escalier. Les bougies, interdites dans ce type d'établissement, mais fournies par le "Cuba libre", mesuraient 11,5 cm et produisaient des flammes d'une vingtaine de centimètres.

Les prévenus, dont les casiers judiciaires sont vierges, encourent cinq ans d'emprisonnement et 76.500 euros d'amendes.

"Ce qu'on attend de savoir c'est comment ils vont se comporter, est-ce qu'ils vont assumer jusqu'au bout leur responsabilité ? Pour l'instant, dans le cadre de l'information judiciaire, ils ont accepté leur responsabilité", poursuit Marc François.

"On n'est pas face à des faits qui sont de nature intentionnelle", a expliqué à l'AFP Antoine Vey, avocat d'un des deux frères, rappelant qu'"ils n'ont pas nié leurs responsabilités" ni "cherché à les fuir".

Selon Me Vey, les deux hommes avaient installé les mousses antibruit après des plaintes du voisinage pour atténuer le bruit, sans en connaître le caractère inflammable. Ils reconnaissent aussi avoir oublié de déverrouiller la porte de secours le soir du drame.

"Il ne serait pas juste de les sanctionner au delà des manquements" qui ont été les leurs en matière de sécurité, a affirmé l'avocat, tout en espérant "un débat apaisé" lors du procès.

Deux mois après le drame, la ville de Rouen avait décidé la fermeture totale ou partielle d'une dizaine de bars musicaux pour non-respect des normes de sécurité les plus élémentaires.


Et le ministre de l'Intérieur d'alors, Bernard Cazeneuve, avait prôné en octobre 2016 davantage de contrôles dans ces bars de 5e catégorie, au nombre de 200.000 en France.

Aucun incendie n'avait fait autant de victimes dans un bar/dancing depuis le 1er novembre 1970 : 146 personnes avaient péri dans celui du "5-7" à Saint-Laurent-du Pont (Isère).

En 2005, 24 personnes, dont 11 enfants, étaient morts dans l'incendie de l'hôtel Paris-Opéra, un hôtel d'hébergement d'urgence.

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