Industriels contre artisans, bataille de boulangers devant les tribunaux

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Par Antoine POLLEZ - Corbie (France) (AFP)
Publié le 09 octobre 2019 - 09:59
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Industriels de la boulangerie et artisans boulangers se livrent bataille devant les tribunaux pour ou contre l'ouverture 7 jours sur 7
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© ALAIN JOCARD / AFP/Archives
Industriels de la boulangerie et artisans boulangers se livrent bataille devant les tribunaux pour ou contre l'ouverture 7 jours sur 7
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Industriels de la boulangerie et artisans boulangers se livrent bataille devant les tribunaux pour ou contre l'ouverture 7 jours sur 7 : les premiers prônent la "libre concurrence" quand les seconds défendent "l'économie du territoire".

Dernier épisode en date: une décision du tribunal administratif d'Amiens ayant donné raison à un franchisé de l'enseigne La Mie Câline, qui souhaitait ouvrir tous les jours de la semaine, malgré un arrêté préfectoral de 1993 imposant une journée de fermeture à tout établissement qui vend du pain. Le texte a par conséquent été abrogé en septembre.

"Si j'ai envie de travailler à 200 à l'heure, il faudrait que je me limite, un espèce de nivellement par le bas, parce que les boulangers ne sont pas d'accord, et ne peuvent pas me suivre ?", fait mine de s'interroger le patron, David Lecoutre, auprès de l'AFP.

L'entrepreneur a calculé: parmi ses 15 salariés, qui vendent le pain livré en pâtons surgelés à -23° et cuits sur place, il en licencierait deux s'il devait fermer un jour par semaine.

Alors, plutôt que de se conformer à l'arrêté préfectoral, il a préféré attaquer le texte. Le juge administratif lui a donc donné raison, estimant que la règle avait été prise à l'issue d'une procédure ne respectant pas les normes de consultation des organisations syndicales et patronales.

La Fédération des entreprises de Boulangerie (FEB), qui représente les industriels du secteur, s'est félicitée de cette décision. Mais pour l'Union des entreprises de proximité (U2P), celle-ci va "mettre en danger la ruralité".

- "Cascade d'entreprises en difficulté" -

"Quand une chaîne ou une grande surface ouvre le dimanche, c'est 30% en moins pour le boulanger dans le centre-bourg", souligne Laurent Rigaud, président de l'U2P dans la région des Hauts-de-France. "On va avoir une cascade d'entreprises en difficulté, et des fermetures dans la foulée. Mais la grande distribution, ils s'en foutent de l'économie du territoire".

Il dénonce "un non-sens" par rapport à la politique de soutien aux petits commerces dans les centre-bourgs, pour laquelle la région Hauts-de-France avait débloqué une enveloppe de 60 millions en 2018.

Alain Langlet, président de l'Union des boulangers-pâtissiers de la Somme, est directement confronté à cette nouvelle concurrence. Son établissement de Corbie est implanté à quelque 150 mètres d'un supermarché Auchan qui s'est engouffré dans la brèche et à déjà commencé à vendre du pain le dimanche. "Ils ne perdent pas de temps" maugrée-t-il.

"D'ici un mois, s'ils vendent 200 baguettes le dimanche, c'est 200 baguettes de moins chez nous, sauf que nous, on ne peut pas compenser, alors qu'eux s'en foutent, c'est des produits d'appel, ils ne gagnent rien dessus".

Au-delà de la boulangerie, il pointe le risque de fragilisation de toute une économie locale. "Il ne faut pas rêver, si la boulangerie ferme, le fleuriste ferme, et ainsi de suite. Aujourd’hui, on est complémentaire les uns des autres, mais ils sont en train de casser l'équilibre".

- 37 procédures en cours -

Son village, qui compte 6.300 habitants, n'a pas besoin de ça. Dans la rue principale, quatre commerces, dont un primeur et un restaurant ont récemment fermé. Et la bijouterie annonce un "déstockage massif avant cessation activité".

Le mouvement est national: la FEB revendique ainsi des décisions similaires obtenues en justice dans 30 départements, et des procédures en cours dans 37 autres.

Selon elle, "l'ouverture des boulangeries 7 jours sur 7 n'affecte pas l'activité économique". Et d'avancer une étude interne selon laquelle l'absence d'arrêté préfectoral obligeant les boulangeries à fermer un jour par semaine "n'entraîne pas plus de suppression d'entreprises".

L'U2P, elle, ne baisse pas les bras. "Faudra-t-il une loi pour changer les choses? Nous, on veut que le sujet soit traité", affirme Laurent Rigaud. "Et on va demander aux politiques de se positionner".

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