Interdiction du niqab : la France "condamnée" par un groupe d'experts de l'ONU

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Par Gilles CAMPION - Genève (AFP)
Publié le 23 octobre 2018 - 14:12
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Graphique montrant les principales tenues islamiques
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© Paz PIZARRO, Sophie RAMIS, Zelmar MICHELINI / AFP
Principales tenues islamiques
© Paz PIZARRO, Sophie RAMIS, Zelmar MICHELINI / AFP

Un groupe d'experts de l'ONU a "condamné" mardi la France pour avoir verbalisé deux femmes qui portaient le voile islamique intégral, demandant à Paris de "compenser" les plaignantes et de réviser sa loi.

Toutefois, ces experts indépendants, réunis au sein du Comité des droits de l'homme à Genève, ne font que rendre des avis et n'ont aucun pouvoir de contrainte sur les Etats.

Une loi, adoptée par le Parlement français en 2010, interdit tout vêtement dissimulant le visage dans l'espace public sous peine d'une amende pouvant aller jusqu'à 150 euros. Dans un communiqué, la diplomatie française a réaffirmé "la pleine légitimité" de la loi de 2010, indiquant qu'elle ferait valoir ses vues dans le rapport de suivi" transmis au comité de l'ONU.

Ce Comité de 18 experts, qui dépend du Haut-Commissariat pour les droits de l'homme de l'ONU, avait été saisi en 2016 par deux Françaises de confession musulmane condamnées à une amende pour le port en public du niqab, le voile islamique intégral avec seulement une ouverture pour les yeux.

Les deux femmes qui ont saisi l'ONU sont la femme et l'une des compagnes de Lies Hebbadj, un commerçant nantais qui s'était fait connaître en 2010 lorsque lui-même et l'une de ses compagnes avaient contesté publiquement un procès-verbal pour port du niqab au volant, entraînant une longue polémique avec le ministre de l'Intérieur de l'époque, Brice Hortefeux.

Dans un communiqué de presse, le Comité a jugé que "l'interdiction du niqab viole la liberté de religion (et) les droits humains" de ces deux musulmanes.

"Le Comité reconnaît que les Etats peuvent exiger des individus qu'ils découvrent leur visage dans des circonstances spécifiques dans le cadre de contrôles d'identité, mais il a été d'avis que l'interdiction généralisée du niqab était une mesure trop radicale", poursuit le communiqué.

Le président de ce Comité, l'Israélien Yuval Shany, a souligné qu'il considérait personnellement, comme "nombre" des 17 autres experts, que le niqab était "une forme d'oppression contre les femmes".

Mais le Comité a estimé que l'"interdiction généralisée à caractère pénal (...) a porté atteinte de manière disproportionnée au droit des deux plaignantes de librement manifester leur religion". Il a également reproché à cette loi de "marginaliser" ces femmes "en les confinant chez elles et en leur fermant l'accès aux services publics".

- Réponse dans les 180 jours -

Le Comité demande en conclusion à la France de lui envoyer un "rapport de suivi" dans un délai de 180 jours sur les mesures prises pour offrir des compensations aux plaignantes et "éviter que des cas similaires se reproduisent à l'avenir, y compris en révisant la loi incriminée".

Les 18 experts, élus pour 4 ans, sont chargés de surveiller le respect par les pays membres du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Dans une interview à l'AFP, la Lettone Ilze Brands-Kehris, membre du Comité, a reconnu que le voile islamique était "une très grande question qui suscite aussi beaucoup d'émotion et de réactions, et donc qui peut être politisée et manipulée". Mais "ce n'est pas le rôle du comité, nous, on fait une analyse strictement juridique de la situation", a-t-elle ajouté.

Interrogée sur l'absence de pouvoir contraignant du Comité, elle a souligné que la France est, malgré tout, "dans l'obligation" de se conformer à ses recommandations du Comité, en tant que signataire du Pacte sur les droits civils et politiques.

Contrairement aux conclusions de ces experts, la Cour européenne des droits de l'homme a, elle, validé à deux reprises, en 2014 et en 2017, l'interdiction du niqab ou de la burka en France et en Belgique. Le Danemark et l'Autriche ont adopté une législation similaire.

"Nous ne sommes pas d'accord avec cette condamnation. La France est un pays souverain, libre de prendre des décisions, notamment sur la sécurité", a réagi auprès de l'AFP Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM). "Le voile intégral n'est pas une prescription de l'islam", a-t-il ajouté.

En août dernier, ce Comité de l'ONU avait déjà donné raison à une Française musulmane qui avait été licenciée par la crèche Baby-Loup car elle refusait d'enlever son foulard sur son lieu de travail.

Les experts ont estimé qu'il s'agissait d'une "atteinte à la liberté de religion" et ont demandé à la France d'indemniser la plaignante dans les 180 jours.

gca-dcr-asl-alh/mra

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