Le cardinal Barbarin, relaxé en appel et de nouveau démissionnaire

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Par Alexandre GROSBOIS - Lyon (AFP)
Publié le 30 janvier 2020 - 05:00
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Le cardinal Barbarin quitte la cour d'appel de Lyon le 29 novembre 2019
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© JEFF PACHOUD / AFP
Le cardinal Barbarin quitte la cour d'appel de Lyon le 29 novembre 2019
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Condamné en première instance pour ses silences sur les abus sexuels d'un prêtre, le cardinal Barbarin a été relaxé en appel jeudi et va de nouveau remettre sa démission au pape pour "tourner la page" de cette affaire symbole des défaillances de l’Église face à la pédocriminalité dans ses rangs.

"Pour l'Eglise de Lyon, c'est l'occasion d'ouvrir un nouveau chapitre. De nouveau je vais remettre ma charge d'archevêque de Lyon entre les mains du pape François", a annoncé le prélat de 69 ans devant la presse.

Peu avant, la Conférence des évêques de France l'avait assuré "de sa communion fraternelle dans cette phase nouvelle de sa vie qui s’ouvre au service du Christ et de l'Église".

Après sa condamnation en première instance, Mgr Barbarin avait déjà proposé sa démission au pape, qui l'avait refusée dans l'attente de l'appel, et il s'était mis en retrait de la gestion du diocèse.

"Maintenant je veux paisiblement lui renouveler ma demande", a ajouté l'archevêque, qui part "la tête haute, sans arrogance" selon ses avocats. Le pape "fera connaître sa décision en temps voulu", selon le service de presse du Saint-Siège.

Le 7 mars, le tribunal correctionnel avait infligé au cardinal six mois de prison avec sursis pour n'avoir rien dit des agressions sexuelles commises par Bernard Preynat sur de jeunes scouts entre 1971 et 1991, dont il avait été mis au courant dès les années 2000.

"Cette injustice est aujourd'hui réparée", s'est félicité son défenseur, Me Jean-Félix Luciani. "La Cour a reconnu qu'il disait la vérité. Il a fait des erreurs, des fautes. Il l'a dit. L'Eglise a, à coup sûr, fait des erreurs et des fautes mais il n'incarne pas l'Eglise."

Les parties civiles ont annoncé un pourvoi en cassation, à la portée limitée.

- "Cas individuel" -

En première instance, les juges avaient estimé qu'en ne dénonçant pas les actes que lui avait rapportés une victime de Preynat en 2014, le Primat des Gaules - titre historique qui en fait le plus haut dignitaire catholique de France - avait choisi de "préserver l'institution" et commis une faute pénale.

Il avait immédiatement interjeté appel, ne s'estimant pas coupable devant la justice des hommes, alors qu'il avait demandé "pardon" lors d'une messe.

"Je n'ai jamais cherché à cacher, encore moins à couvrir ces faits horribles", a-t-il souvent répété, tandis que les victimes dénonçaient une "omerta" dictée par le Vatican.

A l'audience d'appel fin novembre, l'avocat général Joël Sollier avait réclamé la relaxe en dissociant le "cas individuel" du cardinal Barbarin des "fautes morales et pénales" commises par l’Église.

L'ex-père Bernard Preynat, défroqué à l'issue de son procès canonique en juillet, a comparu devant dix de ses victimes à la mi-janvier à Lyon. Une peine d'au moins huit ans de prison ferme a été requise, le jugement étant fixé au 16 mars.

Philippe Barbarin l'avait convoqué en 2010 vue d'un changement d'affectation. Comme en première instance, la cour d'appel a estimé que l'archevêque en savait assez, alors, pour le dénoncer. Mais ce délit tombe sous le coup de la prescription, dont le délai est de trois ans en matière de non-dénonciation.

- Relaxe "paradoxale" -

La cour a aussi jugé "sérieusement contestable sur le plan moral" le fait d'avoir laissé Preynat au contact d'enfants durant cinq ans, avant sa mise à l'écart en 2015.

"C’est une relaxe paradoxale car elle nous donne satisfaction sur les deux principaux reproches qu’on faisait à Barbarin", a commenté Me Jean Boudot, avocat des parties civiles.

Les juges d'appel ont considéré, en revanche, qu'on ne pouvait rien reprocher au cardinal après 2014, quand Alexandre Hezez l'a contacté, car lui comme les autres victimes étaient en mesure de porter plainte, ce qu'elles ont fait au final. Sauf à vouloir poursuivre tous ceux qui étaient au courant, jusque dans l'entourage des victimes.

La cour a aussi estimé que l'archevêque n'a pas entravé la justice, car il n'a pas dissuadé Alexandre Hezez de porter plainte. Les parties civiles sont convaincues, au contraire, qu'il a tout fait pour étouffer l'affaire.

Elles critiquent une décision "incohérente", "qui vient dire en réalité qu'on n'a pas obligation de dénoncer des violences sexuelles sur mineur une fois que le mineur est devenu majeur. A ma connaissance, c'est la première fois", a dit Me Boudot.

"C'est sûr qu'il y a une déception mais je ne crois pas qu'il faille regretter tout ce qui a été engagé", a réagi quant à lui François Devaux, plaignant et président de l'association La Parole Libérée, pour qui ce scandale a conduit l’Église à se remettre en cause.

Parmi les paroissiens présents à la messe jeudi soir à la basilique de Fourvière, la solidarité avec le cardinal demeurait intacte. "On lui a reproché de ne pas avoir déplacé Preynat mais ce n'était pas sain comme jugement", a dit à l'AFP Marie-Jeanne, retraitée de 69 ans.

Elle juge cependant son départ "normal parce qu'il y avait de telles fractures au sein du diocèse. Les gens se sont entredéchirés, c'était devenu pour ou contre Barbarin".

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