Journal de bord d'un réanimateur : "les patients se ressemblent tous"

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Par Romain FONSEGRIVES et Daphné ROUSSEAU - Paris (AFP)
Publié le 30 mars 2020 - 11:30
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Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne pour traiter la déferlante de malades du coronavirus, un anesthésiste-réanimateur livre tous les jours pour l'AFP, sous couvert d'anonymat, le résumé de sa journée en pleine crise sanitaire.

- Dimanche 29 mars -

Repos aujourd'hui et demain: un peu de répit... Je suis fatigué physiquement par tout ça.

C'est difficile à dire, mais il n'est pas facile de s'attacher aux patients actuellement. Ils se ressemblent tous. Et nous perdons tout lien avec la réalité et leur quotidien.

Avant, certains patients n'étaient pas sous assistance respiratoire, nous pouvions échanger avec eux. Pour ceux qui étaient sédatés, nous avions les familles qui nous rapportaient leur quotidien. Les proches apportaient des photos affichées dans les chambres.

Tout ça n'existe plus actuellement. Tous les patients sont sédatés, nous échangeons succinctement par téléphone avec les proches, essentiellement pour des nouvelles d'ordre médical, quasiment rien d'autre.

Informer les familles est devenu très difficile. On les appelle au moins une fois par jour. Mais il ne se rendent pas compte. Tout simplement parce qu'ils ne voient pas ce qu'il se passe, ce qu'il y a dans la chambre, le corps de leur proche endormi, parfois très modifié.

Un service de réanimation, c'est plusieurs chambres individuelles, des bruits de fond constants: les scopes, les alarmes, le bruit des respirateurs... Et puis beaucoup d'éléments de surveillances: des écrans, des tuyaux, des tubes, des câbles.

Quasiment tous les patients sont intubés et sous assistance respiratoire, sauf ceux qui vont mieux et ont pu être extubés. Les patients qui ont une atteinte pulmonaire grave sont mis sur le ventre, transitoirement, pour essayer d'améliorer la diffusion de l'oxygène dans certaines zones des poumons, les autres sont sur le dos.

Avec les familles, nous sommes obligés d'être plus tranchants: on leur dit que les patients risquent fortement de mourir, alors qu'en temps normal on n'utilise pas toujours ces mots-là et certaines infos passent par la communication non verbale. Impossible par téléphone...

Le rythme est soutenu. Beaucoup d'appels, d'organisation à gérer. Chaque visite de patient prend beaucoup de temps: il faut s'habiller pour se protéger avant de rentrer dans chaque chambre. Ce week-end, pour la première fois on nous parle de restrictions de masques, chirurgicaux ou FFP2. Il faut en chercher à droite à gauche. Les gens dans la rue avec des masques, souvent mal portés, m'énervent...

La semaine prochaine, on ne sait pas ce qu'il va se passer. C'est un peu au jour le jour. La vague risque de continuer à monter. On risque de voir encore beaucoup de patients et beaucoup de décès malheureusement. Mais les personnels sont là, assez nombreux pour l'instant, motivés et prêt à travailler tout le temps qu'il faudra. Le plus dur est probablement de ne pas encore pouvoir imaginer le bout du tunnel.

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