La CEDH appelle Paris à l'action contre la surpopulation carcérale

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Par Béatrice ROMAN-AMAT - Strasbourg (AFP)
Publié le 30 janvier 2020 - 14:07
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La France doit résorber la surpopulation carcérale et offrir un véritable recours aux détenus qui en souffrent: la Cour européenne des droits de l'Homme a rendu jeudi un arrêt sévère, sans toutefois lui intimer d'agir, comme elle l'avait fait pour l'Italie ou la Hongrie.

La CEDH avait été saisie par 32 détenus incarcérés, ou qui l'ont été, dans les prisons de Nice, Nîmes, Fresnes, Ducos (Martinique) et Nuutania (Polynésie), et à qui l'Etat devra verser environ 500.000 euros pour dommage moral.

Mais surtout, relevant l'existence d'un "problème structurel", la CEDH recommande dans son arrêt aux autorités françaises "d'envisager l'adoption de mesures générales" pour mettre fin au surpeuplement et améliorer les conditions de détention.

Fruit d'une longue campagne menée par l'Observatoire international des prisons (OIP) pour faire reconnaître le délabrement des prisons françaises, cette décision de la vigie européenne des droits humains constitue "une immense victoire", s'est réjoui auprès de l'AFP l'avocat de l'association, Me Patrice Spinosi.

"La France, pays des droits de l'Homme, est désormais sous la surveillance du Conseil de l'Europe", dont la CEDH constitue le bras judiciaire, a insisté l'avocat.

- Cafards -

Une détenue de la maison d'arrêt de Nice se plaignait par exemple de devoir partager une cellule de 12 mètres carré avec quatre femmes et préparer ses repas à moins d'un mètre des toilettes.

Un détenu de Ducos décrivait des détenus obligés de poser leurs matelas en équilibre précaire sur des meubles afin d'éviter le contact avec les rats, souris, cafards et autres fourmis.

La CEDH a estimé que la majorité des requérants avait disposé d'un espace personnel "inférieur à la norme minimale requise de 3 m2 pendant l'intégralité de leur détention", et que ceux qui bénéficiaient de plus ne disposaient pas non plus de conditions de détention décentes, ni d'activités hors des cellules suffisantes.

"La surpopulation, c'est un établissement où il n'y a donc pas assez de travail et d'activités pour les détenus, pas assez d'équipements collectifs, un accès au soin difficile", explique Nicolas Ferran, responsable pôle contentieux de l'OIP. "Dans une prison surpeuplée, c'est tout l'accompagnement du détenu et donc le sens de la peine qui est remis en question".

Quant à l'accès à un moyen de recours effectif, il n'est pas assuré, puisque le juge administratif, saisi en référé-liberté, n'a pas le pouvoir de faire cesser "pleinement et immédiatement" les atteintes aux droits fondamentaux des détenus, juge la CEDH.

"En l'état actuel, aucun juge ne peut ordonner la réaffectation d'un détenu pour lequel il constate un traitement inhumain ou dégradant", pointe Me Spinosi.

Selon lui, cet arrêt constitue un "quasi-arrêt pilote", ces arrêts rendus par la CEDH quand elle est confrontée à un problème systémique qui donne lieu à de très nombreuses requêtes, et ordonne à un Etat de prendre des mesures.

L'Italie, la Roumanie et la Hongrie, entre autres, se sont déjà vu notifier des arrêts pilotes pour surpopulation carcérale.

- "Un grand chantier" -

Sans dicter la politique pénale de la France, la CEDH suggère "la refonte du mode de calcul de la capacité des établissements pénitentiaires et l'amélioration du respect de cette capacité d'accueil".

"Il est aujourd'hui grand temps d'agir", a réagi le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dans un communiqué. "Seule la mise en place d'une politique publique de désinflation carcérale sera en mesure de mettre un terme aux échecs des politiques antérieures, bridées par la crainte de l'opinion publique", a-t-il ajouté, invitant à "une réflexion globale sur le système pénal".

Sollicité par l'AFP, le ministère de la Justice a indiqué "prendre acte" de l'arrêt de la CEDH, tout en précisant avoir déjà engagé des actions pour lutter contre la surpopulation carcérale.

Il fait valoir une "augmentation constante des budgets pour l'entretien" des prisons, la construction de "7.000 nouvelles places en détention qui seront livrées d'ici 2022" et un objectif de 8.000 places supplémentaires à l'horizon 2027.

Pour atteindre les "80% d'encellulement individuel en maison d'arrêt", le ministère compte sur "un effet positif" de l'entrée en vigueur de la réforme de mars 2019 qui prévoit notamment de supprimer les peines d'un mois de prison et d'aménager systématiquement les peines de moins de six mois.

Selon l'administration pénitentiaire, 70.818 personnes étaient incarcérées dans les 188 établissements pénitentiaires français au 1er octobre 2019, pour 61.065 places opérationnelles.

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