La philo, une épreuve redoutée et "sacralisée" en France

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Par Isabelle TOURNÉ - Paris (AFP)
Publié le 14 juin 2018 - 10:00
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Des lycéens passent l'épreuve du bac de philosophie, le 15 juin 2017 près de Strasbourg
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© FREDERICK FLORIN / AFP/Archives
Des lycéens passent l'épreuve du bac de philosophie, le 15 juin 2017 près de Strasbourg
© FREDERICK FLORIN / AFP/Archives

La philosophie, qui comme chaque année donnera le coup d'envoi du bac lundi, est une épreuve redoutée par beaucoup de candidats en raison du poids symbolique de cette discipline en France qu'il serait bon, pour certains profs, de "désacraliser".

Au pays de Descartes et de Paul Ricoeur, philosophe dont Emmanuel Macron aime à revendiquer l'héritage après avoir été son assistant éditorial, la philo reste l'épreuve la plus médiatique de cet examen bicentenaire, qu'elle accompagne d'ailleurs depuis sa naissance en 1809 (elle se déroulait alors à l'oral et en latin). Ses sujets sont évoqués dans les journaux télévisés et des personnalités invitées à livrer leurs réflexions en quelques secondes devant un micro.

Elle jouit en France d'un statut particulier: si elle est enseignée dans de nombreux pays dans le secondaire, elle n'est que rarement considérée comme une discipline à part entière.

"Dans notre pays, la philosophie a un rôle spécial; sous la IIIe République, toute une série de penseurs ont estimé qu'elle devait servir à former de bons citoyens, armés d'une pensée critique", explique Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef de Philosophie Magazine et ancien enseignant.

Conséquence: "Il y a une forme de sacralisation autour de cette matière, inédite pour les lycéens en Terminale, qui peut parfois être paralysante au moment du bac", poursuit-il.

"L'épreuve de philo a toujours eu un poids symbolique important, lié à la tradition des Lumières", renchérit Marie Perret, prof de philo en région parisienne. La France est un des seuls pays où on ne fait pas d'histoire de la philosophie, mais où on enseigne un programme de "notions", comme la justice, la conscience, la liberté..., ajoute-t-elle. Le jour du bac, "on ne demande pas aux candidats de restituer des connaissances mais de réfléchir par eux-mêmes à un problème en se servant de ces notions étudiées dans l'année".

L'an dernier, les 520.000 candidats du bac général et technologique avaient planché en dissertation sur "la raison", "l'œuvre d'art" ou encore "le bonheur". Pour ceux qui avaient choisi le commentaire de texte, ils avaient dû cogiter sur des extraits de Jean-Jacques Rousseau, Michel Foucault, Thomas Hobbes, Emile Durkheim...

- "Dédramatiser un peu" -

"Les correcteurs sont plus ou moins exigeants sur les références philosophiques convoquées par les candidats en fonction de leur série", souligne Hélène Péquignat, prof en Isère et auteur de "Platon et Descartes passent le bac" (éditions Le Pommier). "Ils évaluent surtout si les copies sont correctement argumentées".

Pour Michel Eltchaninoff, dont le magazine a publié un "Guide de survie au bac philo", il "serait bon de dédramatiser un peu" l'épreuve de philo: "Elle n'est pas si différente des autres matières, qui requièrent également de la réflexion".

Pour lui, une manière de la "désacraliser" serait de commencer à en faire "bien avant la Terminale".

C'est aussi l'avis de Frédéric Le Plaine, prof de philo: "Avec notre seule année en Terminale, on est loin d'être les plus ambitieux pour les lycéens en terme d'esprit critique, de capacité à débattre ou argumenter", juge-t-il. Il plaide aussi pour des programmes "plus réduits et moins vagues, qui permettraient de démocratiser la matière".

La réforme du bac annoncée cette année, qui entrera en vigueur en 2021, semble faire la part belle à la philosophie. Elle sera toujours évaluée à la fin de l'année lors d'un examen final, alors que de nombreuses matières feront l'objet d'un contrôle continu.

"On a le sentiment que Jean-Michel Blanquer (le ministre de l'Education, ndlr) a voulu mettre la philo en vitrine mais que ce n'est que de l'affichage", estime pourtant Marie Perret.

Comme elle, certains profs craignent un absentéisme massif au retour des vacances de printemps, puisqu'une grande partie du bac sera alors déjà jouée. D'autres déplorent qu'avec cette réforme, la discipline reste "enfermée" dans la classe de Terminale.

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