La taxe numérique française "discriminatoire", dénoncent Google, Facebook, Amazon

Auteur(s)
Par Virginie MONTET - Washington (AFP)
Publié le 20 août 2019 - 00:50
Image
Les géants américains pestent contre la taxe Gafa française
Crédits
© LOIC VENANCE, Josh Edelson, STR, Emmanuel DUNAND / AFP/Archives
La taxe numérique française "discriminatoire", dénoncent Google, Facebook, Amazon
© LOIC VENANCE, Josh Edelson, STR, Emmanuel DUNAND / AFP/Archives

Les représentants d'Amazon, de Facebook, de Google et d'autres leaders de l'internet se sont élevés collectivement lundi, lors d'auditions à Washington, contre la taxation française des groupes numériques, dénonçant rétroactivité, discrimination et double imposition.

"Précédent troublant", "impôt discriminatoire", "rupture brutale de règles longuement établies": des responsables des grands groupes dits "Gafa" ont donné de la voix dans le cadre d'une enquête ouverte par les services du représentant américain au Commerce (USTR).

Cette investigation a été lancée après la décision française d'imposer ces géants du numérique, en vue de possibles représailles. Le président Donald Trump a notamment menacé de taxer les importations de vin français.

La loi française, promulguée le 11 juillet, crée un impôt sur le chiffre d'affaires réalisé par ces grandes entreprises de l'internet dans l'Hexagone, alors qu'elles sont pour la plupart basées aux Etats-Unis, où elles sont imposées sur leur bénéfice.

"C'est une solution imparfaite pour remédier à un système de taxation caduque", a reconnu Jennifer McCloskey, du groupement professionnel Information Technology Industry Council.

Un consensus existe du côté des autorités et des industriels pour reconnaître le besoin d'une réforme du système d'imposition de ces transactions numériques, mais plutôt sous l'égide de l'OCDE, qui regroupe les pays industrialisés.

"C'est une fracture radicale par rapport à la pratique habituelle", a protesté Rufus Yerxa, président du Conseil national du commerce extérieur.

Pour Gary Sprague, de la firme d'avocats Baker and McKenzie représentant divers groupes allant d'Airbnb à Expedia, en passant par Microsoft et Twitter, l'impôt décidé par Paris est "discriminatoire".

Une trentaine de groupes réalisant au moins 25 millions d'euros de chiffre d'affaires en France et 750 millions d'euros dans le monde devront s'acquitter de cet impôt. Ce sont en premier lieu les leaders américains et mondiaux du secteur.

La taxation française considère trois niveaux d'activité, ont relevé ces responsables: la publicité, les échanges ou impressions sur la plateforme et les données transactionnelles.

- Double taxation -

Selon Gary Sprague, d'autres groupes de média traditionnels, qui touchent le public français via la publicité, devraient être aussi assujettis à cet impôt, "comme les journaux, les chaînes de télévision".

De même, le représentant de Google, Nicholas Bramble, estime que "taxer une poignée de grands groupes de l'internet n'a pas de sens quand tous les secteurs deviennent numériques".

Chez Amazon, dont la France représente le deuxième marché européen pour le commerce électronique, on dénonce la "double taxation".

Peter Hiltz, directeur de la planification fiscale auprès du géant de la distribution en ligne, cite le cas typique, selon lui, du voyageur américain en France qui surfe et achète sur le site d'Amazon US. "Sa transaction sera taxée en France, mais aussi aux Etats-Unis au niveau du bénéfice", argumente-t-il.

Le groupe dit s'interroger aussi sur la manière de distinguer les visiteurs suisses ou belges francophones sur le site Amazon en Français.

Il assure en tout cas que la nouvelle taxation va "avoir un impact négatif sur Amazon et des milliers de petites et moyennes entreprises" qui travaillent avec le distributeur.

Quelque 58% des ventes d'Amazon passent par des partenaires, sur lesquels le groupe a déjà prévenu qu'il ferait supporter le coût des nouveaux impôts. "On les a déjà informés que leurs droits d'inscription vont augmenter d'ici le 1er octobre", a affirmé M. Hiltz.

La rétroactivité de la loi adoptée par Paris, qui va appliquer ce nouvel impôt depuis le début de l'exercice 2019, soulève aussi des protestations.

"On n'a jamais vu d'impôt rétroactif", s'insurge Alan Lee, de Facebook, qui se plaint comme les autres représentants d'un manque de "directives" pour appliquer la loi.

Aucun des responsables de ces grands groupes ne pouvait dire à ce stade quel volume de leur chiffre d'affaires serait donc imposé.

Tous ont expliqué qu'ils devaient modifier leur façon de collecter les données, le trafic et les impressions laissées par les visiteurs sur leurs sites.

Une démarche et une nouvelle comptabilité qui vont "coûter des millions de dollars", a affirmé Jennifer McCloskey, du Conseil des technologies de l'information, sans pouvoir donner d'évaluation plus précise.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.