Syrie : Lafarge reste mis en examen, mais plus pour "complicité de crimes contre l'humanité"

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Par Valentin BONTEMPS - Paris (AFP)
Publié le 07 novembre 2019 - 05:00
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Vue prise le 19 fevrier 2018 de la cimenterie Lafarge de Jabaliya, dans le nord de la Syrie. Le cimentier français est soupçonné d'avoir financé indirectement de 2011 à 2015 des organisations jihadist
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© Delil souleiman / AFP/Archives
Vue générale, prise le 19 février 2018, de la cimenterie Lafarge Cement Syria (LCS) située à Jalabiya, à une trentaine de kilomètres de Ain Issa, dans le nord de la Syrie
© Delil souleiman / AFP/Archives

Le groupe Lafarge a obtenu jeudi l'annulation de sa mise en examen pour "complicité de crimes contre l'humanité", une qualification qui était inédite pour une entreprise française, mais reste menacé d'un procès pour "financement du terrorisme" dans l'enquête sur ses activités en Syrie jusqu'en 2014.

Mis en examen en juin 2018, le cimentier avait formé un recours contre cette décision des juges d'instruction qui lui faisait risquer un procès aux assises. Jeudi, la cour d'appel de Paris lui a donné raison sur ce point en invalidant les poursuites criminelles, conformément aux réquisitions du parquet général.

La chambre de l'instruction de la cour a toutefois maintenu les mises en examen de l'entreprise pour "financement du terrorisme", "violation d'un embargo" et "mise en danger de la vie" d'anciens salariés de son usine de Jalabiya, dans le nord de la Syrie.

"La chambre de l'instruction a fait le même constat que nous", se sont félicités les avocats de Lafarge SA, Christophe Ingrain et Rémi Lorrain. "La cour reconnaît que Lafarge n'a jamais participé ni de près ni de loin à un crime contre l'humanité" et "corrigé une décision totalement infondée", ont-ils ajouté.

Interrogée par l'AFP, Me Marie Dosé, l'avocate de Sherpa, qui avait porté plainte en 2017 contre le cimentier français, a rappelé que l'entreprise restait mise en examen pour financement du terrorisme, "ce qui reste" là aussi "une première dans le monde judiciaire".

Dans cette affaire, Lafarge SA, propriétaire de Lafarge Cement Syria (LCS), est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via cette filiale, près de 13 millions d'euros à des groupes jihadistes, dont l'organisation Etat islamique (EI), afin de maintenir l'activité de son site en Syrie, alors que le pays s'enfonçait dans la guerre.

Le groupe, qui assure avoir toujours eu pour "priorité absolue" d'"assurer la sécurité et la sûreté de son personnel", est également suspecté d'avoir vendu du ciment de l'usine au profit de l'EI et d'avoir payé des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de factions jihadistes.

Dans le cadre de l'information judiciaire, ouverte en juin 2017 après des plaintes de Bercy et de plusieurs associations, dont l'ONG Sherpa, huit cadres de Lafarge au total ont été mis en examen, pour "financement d'une entreprise terroriste" et/ou "mise en danger".

- "Décisions politiques" -

Outre Lafarge, trois dirigeants du groupe contestaient les faits qui leur sont reprochés: l'ancien PDG Bruno Lafont, l'ex-directeur Sûreté de l'entreprise Jean-Claude Veillard et l'un des ex-directeurs de la filiale syrienne, Frédéric Jolibois.

Selon les avocats, la cour d'appel a réduit jeudi les charges pesant sur Jean-Claude Veillard, qui n'est plus poursuivi pour "mise en danger de la vie d'autrui". Elle a en revanche maintenu tous les autres chefs de mises en examen pour les trois hommes.

Quelles responsabilités précises ont eu l'entreprise et ses dirigeants dans les versements à des groupes terroristes ? Si l'existence de remise de fonds à des "groupes armés" est ressortie d'un rapport d'enquête interne, Lafarge SA a toujours contesté sa responsabilité dans la destination de ces paiements.

La cour devait initialement se prononcer le 24 octobre mais avait annoncé ce jour-là repousser de deux semaines sa décision sur la validité des mises en examen, tout en annulant d'ores et déjà la présence au dossier des ONG comme parties civiles.

Deux d'entre elles, Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l'Homme (ECCHR), entendent se pourvoir en cassation. "C'est une défiance judiciaire assumée envers les ONG et la société civile, or sans elles ce dossier n'existerait pas", a rappelé jeudi Me Dosé.

"Les sociétés mères qui agissent à l'étranger par le biais de filiales sont responsables, pas seulement moralement, mais aussi pénalement lorsque la sécurité de leurs employés est mise en danger", a insisté Cannelle Lavite, conseillère juridique à l'ECCHR, à la sortie de l'audience.

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