Le Bataclan, une salle de concerts ou un "lieu de mémoire" ?

Auteur:
 
Par Nicolas PRATVIEL - Paris (AFP)
Publié le 11 juin 2018 - 18:03
Image
La programmation du rappeur Médine dans la salle parisienne le Bataclan, dont les titres "Don't Laïk" ou "Jihad" lui sont reprochés, fait polémique
Crédits
© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives
La programmation du rappeur Médine dans la salle parisienne le Bataclan, dont les titres "Don't Laïk" ou "Jihad" lui sont reprochés, fait polémique
© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives

La levée de boucliers contre les prochains concerts du rappeur Médine au Bataclan repose la question du statut de la salle, cible d'une attaque jihadiste qui a fait 90 morts en novembre 2015. Peut-elle vraiment redevenir un lieu de spectacles comme un autre?

A la réouverture du Bataclan, un an après l'attentat, les patrons avaient clamé leur intention de ne pas faire un "mausolée" de cette salle réputée pour ses concerts rock, pop et rap.

"Notre métier c'est d'amener de la musique, des concerts, des spectacles. C'eut été un abandon de ne pas revenir sur la scène. Cela revenait à la tuer deux fois", avait souligné son codirecteur Jules Frutos, alors que quelques artistes, comme Francis Cabrel ou Nicola Sirkis, avaient considéré comme impossible d'aller y rejouer. Le leader d'Indochine avait notamment jugé "ignoble de rouvrir cette salle", estimant qu'il fallait "en faire un sanctuaire, un monument".

Depuis la réouverture, la programmation n'avait pas suscité de polémique, jusqu'à l'annonce des concerts de Médine, à qui sont reprochés les paroles d'anciennes chansons comme "Jihad" (2005) ou "Don't Laïk". Dans ce dernier morceau sorti en janvier 2015, une semaine avant l'attentat de Charlie Hebdo, il s'attaquait à la laïcité avec des punchlines comme "Crucifions les laïcards comme à Golgotha". Il avait reconnu ensuite avoir "eu la sensation d'être allé trop loin".

- Pétition et tweets -

Le rappeur havrais a riposté lundi en accusant dans un communiqué l'extrême droite de vouloir "dicter la programmation de nos salles de concerts" et "plus généralement limiter notre liberté d'expression". L'artiste, qui clame dans son dernier album son souhait "de jouer au Bataclan", a également renouvelé "ses condamnations passées à l’égard des abjects attentats du 13 novembre 2015".

L'annulation des deux concerts, prévus en octobre, a d'abord été réclamée via une pétition lancée par Grégory Roose, ex-délégué départemental du FN dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Une demande relayée ce week-end par des élus de droite et d'extrême droite. "Sacrilège pour les victimes, déshonneur pour la France", s'est offusqué sur Twitter le président des Républicains, Laurent Wauquiez. "Aucun Français ne peut accepter que ce type aille déverser ses saloperies sur le lieu même du carnage du Bataclan", a écrit la présidente du Rassemblement national (ex-FN), Marine Le Pen.

Le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, a appelé le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, toujours sur Twitter, à "utiliser contre ce rappeur les mêmes armes que celles utilisées contre Dieudonné" pour interdire ses concerts.

- "Libre de sa programmation" -

Life for Paris, l'association de victimes des attentats du 13 novembre 2015, est venu à la rescousse du Bataclan en soulignant que la salle "a aussi été victime des attentats et qu'elle est complètement libre de sa programmation, sous contrôle de la préfecture de police de Paris".

"Notre association n'est pas un organe de censure, elle est et restera apolitique et ne laissera personne instrumentaliser la mémoire des victimes des attentats à des fins politiciennes, comme c'est le cas dans cette affaire", ajoute le collectif qui regroupe plus de 700 victimes. Un argument également employé par Médine qui accuse l'extrême droite de chercher "à instrumentaliser la douleur des victimes et de leur famille".

L'interdiction des concerts "offrirait une formidable occasion à ce rappeur de s'ériger en victime de la censure", a argué pour sa part le mouvement laïque Printemps républicain, tout en interpellant les programmateurs, estimant que "dans un tel lieu de mémoire, la logique purement commerciale ne peut s'imposer, seule, quant au choix des artistes invités".

Lundi, le premier secrétaire du PS en a lui appelé au rappeur lui-même: Olivier Faure a estimé sur franceinfo que "peut-être Médine devrait se poser la question de savoir si sa présence dans ce lieu qui est devenu hautement symbolique ne justifierait pas une prise de distance" par rapport à ces anciennes chansons.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.