Le combat d'un fils pour la réhabilitation de son père guillotiné

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Par Anne-Sophie LASSERRE - Paris (AFP)
Publié le 04 février 2020 - 08:04
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Jacques Fesch escorté par des policiers, le 4 octobre 1954 à Paris
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© STF / AFP/Archives
Jacques Fesch escorté par des policiers, le 4 octobre 1954 à Paris
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Le 1er octobre 1957, Jacques Fesch était guillotiné pour le meurtre d'un policier après un braquage raté. Plus de soixante ans après, son fils Gérard mène un combat singulier: obtenir la réhabilitation judiciaire de ce père que l'Eglise envisage de béatifier.

Mardi, ses avocats ont défendu devant le Conseil constitutionnel la possibilité de modifier la loi qui interdit actuellement toute réhabilitation pour les condamnés à mort qui ont été exécutés, contrairement à ceux qui ont été graciés. Les "Sages" rendront leur décision le 28 février.

"Ce que je veux, c'est que l'Histoire ne retienne pas que le guillotiné, mais que tout homme peut se repentir et devenir meilleur", explique Gérard Fesch à l'AFP.

L'expression "pas banale" revient souvent dans la bouche de ce musicien à la retraite âgé de 65 ans quand il conte l'histoire hors du commun de ce père condamné à mort, dont la conversion fulgurante en prison est considérée par l'Eglise catholique comme un modèle de repentance.

Gérard Fesch, un enfant de l'Assistance publique qui a "grandi péniblement" dans différentes familles d'accueil, a 40 ans quand il découvre, fortuitement, qui est son père.

En 1994, une amie musicienne insiste pour qu'il lise un article de L'Express parlant d'un guillotiné que l'Eglise veut béatifier, un homme qui a eu un fils, Gérard, "d'une femme prénommée Thérèse". Un nom "gardé dans un coin de la tête" après l'avoir lu sur son dossier de la Ddass, profitant d'un moment d'absence de la directrice qui l'avait convoqué.

Sa mère, qui n'a pas accouché sous X, l'a abandonné à sa naissance et avait imposé le secret sur ses origines après avoir reçu de l'argent de la famille Fesch.

Gérard, qui s'appelle encore Droniou, fait "les calculs": il est né le 28 octobre 1954, Jacques Fesch a été arrêté huit mois plus tôt, le 25 février. Les dates concordent.

En interrogeant l'auteur d'un livre sur l'affaire Fesch, il apprend que Thérèse a déposé au procès de son ex-amant sous le nom de Troniou, le même qu'il a porté jusqu'à ses dix ans avant qu'il devienne "Droniou" pour faire disparaître toute trace du scandale.

L'enfant abandonné se découvre un père meurtrier, guillotiné. C'est difficile "à assimiler", confie Gérard Fesch. "J'aurais très bien pu en rester là, (...) mais je me rends compte qu'il s'intéresse à mon existence" et qu'il n'était ni "un récidiviste", ni "un voyou".

- "Pardon laïc" -

Fils de banquier, Jacques Fesch a 24 ans quand il braque un agent de change de la rue Vivienne à Paris, pour s'acheter un voilier. Dans sa fuite, il tire sur un gardien de la paix et le tue.

Alors qu'il est emprisonné à la Santé et que le président René Coty refuse de le gracier, Jacques Fesch découvre la foi. Ses lettres de prison et son journal, publiés à titre posthume, ont eu un fort retentissement sur de jeunes lecteurs, poussant Mgr Lustiger à ouvrir une enquête en béatification en 1987, toujours en cours.

Pour qu'on retienne "l'autre face, un peu plus lumineuse" de Jacques Fesch, son fils a décidé de "repartir pour un périple judiciaire", après avoir mis plus de dix ans à faire respecter "les dernières volontés" de son père: que soit reconnue cette filiation paternelle.

Quelques heures avant de monter à l'échafaud, Jacques Fesch, qui avait eu une fille issue d'une autre union, avait écrit une lettre à son "fils Gérard": "Qu'il sache que s'il n'a pu être mon fils par la loi, il l'est selon la chair et son nom est gravé dans mon coeur".

La justice reconnaîtra définitivement ce lien en 2007. L'année suivante, Gérard "retrouve le nom qui est le (sien)", Fesch.

Il a également obtenu une reconnaissance en filiation maternelle, après la mort de Thérèse Troniou qu'il a rencontrée une fois, "dix secondes" pendant lesquelles "elle a nié avoir eu un enfant".

Pouvoir réhabiliter son père, avec qui il partage la même passion pour la trompette, ce n'est pas "rejuger Jacques Fesch" ni "annuler sa peine", mais "obtenir une sorte de pardon laïc" pour un homme qui "a largement payé sa dette", estime Gérard Fesch. Et apporter une "nouvelle pierre dans le combat contre la peine de mort".

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