Le Cytotec, médicament détourné de son usage, retiré du marché en 2018

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Par AFP
Publié le 19 octobre 2017 - 12:40
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Le logo de Pfizer à Cambridge dans le Massachusetts le 18 mars 2017
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© DOMINICK REUTER / AFP/Archives
Le  Cytotec des laboratoires Pfizer va être retiré du marché français
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Le Cytotec, un médicament contre l'ulcère de l'estomac, détourné pour déclencher des accouchements à terme au risque de la santé de la mère et de l'enfant, sera retiré du marché français à partir de mars 2018, a annoncé l'Agence du médicament.

"Le laboratoire Pfizer France nous a informés de sa décision de retirer du marché français son produit le Cytotec, largement utilisé en gynécologie hors AMM (hors des indications pour lesquelles il est prévu) qui sera effective le 1er mars 2018", a indiqué à l'AFP le Dr Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale adjointe de l'Agence du médicament ANSM à l'occasion des 6e Etats généraux organisés, jeudi à Paris, par l'association le Lien de défense des patients.

"Le Cytotec, sur le marché depuis 1987 est très peu utilisé en gastroentérologie et l'est majoritairement en gynécologie", essentiellement pour l'IVG et le déclenchement artificiel de l'accouchement à terme, selon l'ANSM.

Le délai, a-t-elle précisé, permettra aux industriels qui commercialisent déjà les médicaments Gymiso et Misoone, contenant la même molécule, d'augmenter leur production afin de "sécuriser l'accès à l'IVG" médicamenteuse dont le nombre est 128.000 déclarées en 2015.

Le Cytotec qui se prend normalement par voie orale contient du misoprostol, une molécule qui appartient à la famille des prostaglandines. "Le misoprostol est un super produit qui rend de réels services", souligne le Dr Thierry Harvey gynéco-obstétricien, qui évoque son utilisation pour les fausses couches spontanées.

Mais c'est le recours au Cytotec par voie vaginale pour déclencher l'accouchement à terme d'un enfant viable et les risques graves que cela comporte pour la santé de la mère et de l'enfant qui est un "scandale", estime l'association Timéo qui a milité pour son interdiction avec le soutien du Lien.

Cet usage détourné comporte en effet des risques de surdosage car il suppose d'utiliser un huitième du comprimé qui est dosé à 200 microgrammes, ce qui vu sa taille (moins d'un centimètre) est pour le moins hasardeux, relève le Dr Harvey "remonté comme un coucou" contre cette pratique dangereuse, motivée par des considérations financières.

- 'Bonne nouvelle' -

Le risque est d'entraîner des contractions trop fortes, et une mauvaise oxygénation du foetus, selon l'obstétricien.

Un retrait qualifié de "bonne nouvelle" par Alain-Michel Ceretti, fondateur du Lien. "Mais l'affaire du Cytotec révèle la faiblesse de l'autorité de l'Etat en matière de sécurité sanitaire, un problème au centre des Etats généraux" juge-t-il.

L'agence du médicament avait déjà mis en garde, en 2013, contre les risques graves pour la mère et l'enfant (rupture utérine, hémorragie...) de cet usage. "Il faut modifier la loi pour pouvoir interdire des pratiques identifiées comme dangereuses", ajoute M. Ceretti.

"Mon fils est resté entre la vie et la mort plusieurs jours, j'ai eu l'utérus complètement déchiré, je ne pourrais plus avoir d'autre enfant. Ce n'est pas possible de faire vivre cela à des femmes pour des raisons budgétaires", témoigne Aurélie Joux, fondatrice de l'association Timéo, du prénom de son enfant "né sous cytotec", surdosé, en novembre 2010.

Elle a depuis gagné un procès fin 2016 devant le tribunal administratif de Versailles, en 1ère instance, contre l'hôpital de Poissy pour le préjudice subi par son fils lourdement handicapé avec "sanction exécutoire" immédiatement. Sham l'assureur de l'établissement a fait appel, précise son avocat Serge Beynet.

"Pour faire des économies les hôpitaux préfèrent utiliser le Cytotec qui ne coûte quasiment rien. C'est juste scandaleux" s'insurge cette mère, qui, en plus des souffrances endurées, n' était pas informée des produits administrés pour déclencher son accouchement, alors que le terme était dépassé de 3 jours.

Les médicaments à base de prostaglandines prévus pour le déclenchement artificiel du travail, en gel ou en tampon, coûtent beaucoup plus cher que le Cytotec (30 centimes le comprimé).

"Il nous faut un générique, il nous faut du misoprostol, pas cher comme pour le Cytotec mais à différents dosages (25, 50, 200...)" dit le Dr Harvey.

Une demande d'autorisation de mise sur le marché du laboratoire danois Azanta au dosage de 25 microgrammes est en cours d'évaluation et pourrait peut-être être disponible courant 2018, indique Mme Ratignier-Carbonneil.

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