Le jour où Sid-Ahmed Ghlam, soldat du jihad, est passé à l'acte

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Par Alain JEAN-ROBERT - Paris (AFP)
Publié le 13 octobre 2020 - 19:58
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L'église Saint-Cyr-Sainte-Julitte à Villejuif en avril 2015
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© KENZO TRIBOUILLARD / AFP/Archives
Croquis d'audience de Sid-Ahmed Ghlam, accusé d'avoir projeté un attentat contre une église en avril 2015 à Villejuif, lors de son procès à Paris, le 5 octobre 2020
© KENZO TRIBOUILLARD / AFP/Archives

Le procès de Sid-Ahmed Ghlam, l'étudiant algérien accusé d'avoir projeté un attentat contre une église de Villejuif (Val-de-Marne) et d'avoir assassiné une jeune femme, est entré dans le vif du sujet mardi avec, pour la première fois, l'examen des faits.

Tout a commencé à 08h43 le 19 avril 2005. Dans un appel au Samu, un homme aux abois annonce qu'un inconnu "de type africain" lui a tiré dessus devant chez lui, dans le XIIIe arrondissement de Paris, et blessé à la cuisse, a raconté devant la cour d'assises spéciale de Paris un enquêteur de la Brigade criminelle cité comme témoin.

L'homme blessé était Sid-Ahmed Ghlam.

Il est rapidement conduit à l'hôpital mais les enquêteurs se rendent vite compte que quelque chose cloche dans l'histoire du jeune homme, aujourd'hui âgé de 29 ans.

Les policiers remarquent d'abord des traces de sang qui mènent à son véhicule. Un gyrophare bleu posé sur la banquette entraîne les policiers à fouiller la voiture. Les enquêteurs y trouvent un fusil d'assaut Kalachnikov, un pistolet Sig-Sauer, un pistolet Sphinx et leurs munitions.

Ils découvrent en outre un classeur contenant 27 feuillets "écrits en français et en arabe" qui vont s'avérer, une fois déchiffrés, un véritable vade-mecum de l'apprenti jihadiste.

Les policiers se rendent alors dans la résidence universitaire de Sid-Ahmed Ghlam. Dans sa chambre, ils mettent la main sur trois nouvelles kalachnikovs, trois gilets pare-balles, trois gilets tactiques, trois cartouchières, trois chasubles jaunes de la police, mais également, plié dans un tiroir sous le lit, un drapeau aux couleurs du groupe Etat islamique (EI), a indiqué l'officier de police à la barre.

- Arsenal -

Dans la même matinée du 19 avril, une voiture légèrement incendiée avec à l'intérieur le corps d'une jeune femme est retrouvée à Villejuif, non loin de l'église Sainte-Thérèse, a raconté devant la cour un autre policier.

La victime s'appelle Aurélie Châtelain, une mère de famille de 32 ans, originaire du Nord et venue en région parisienne pour y suivre un stage de reconversion professionnelle.

Assise sur le siège passager, elle a été tuée d'une balle dans le thorax. Rien n'a été volé dans le véhicule ce qui conduit la police à écarter la piste d'un "crime crapuleux", affirme le policier.

L'enquête va rapidement révéler que l'arme du crime est le Sphinx trouvé un peu plus tôt dans le véhicule de Sid-Ahmed Ghlam. D'autres analyses vont montrer la présence de l'ADN de l'étudiant dans le véhicule.

Acculé, Sid-Ahmed Ghlam change alors de version devant les policiers.

Il affirme désormais s'être lui-même tiré une balle dans la cuisse pour ne pas commettre l'attentat qu'il projetait à Villejuif. Il nie avoir assassiné Aurélie Châtelain et met en cause un certain "Abou Hamza" qu'il identifiera, après les attentats du 13 novembre 2015 (130 morts au total), comme étant Samy Amimour, l'un des assaillants du Bataclan (90 morts).

L'avocat des parties civiles, Antoine Casubolo-Ferro ne croit pas à cette version des faits.

- Consignes à un jihadiste -

"Après avoir assassiné Aurélie Châtelain, il a simplement oublié de remettre le cran de sécurité de son arme et s'est blessé en remettant son pistolet dans la ceinture", a affirmé Me Casubolo-Ferro à l'AFP. "Il a quitté la scène du crime et, souffrant trop à cause de sa blessure, il a appelé les secours une fois arrivé chez lui", a-t-il ajouté.

"Il faut moins de vingt minutes pour aller de Villejuif au domicile de M. Ghlam, surtout un dimanche matin", a indiqué un troisième policier cité mardi à la barre.

Le classeur retrouvé dans le véhicule de Sid-Ahmed Ghlam achève de convaincre les enquêteurs qu'il leur a menti. Son décryptage révèle une série d'instructions à respecter par un jihadiste avant, pendant et après un attentat.

"Ces consignes rappelaient de bien verrouiller la sécurité de son arme mais pas de la re-verrouiller après s'en être servi. C'est embêtant", a ironisé Me Casubolo-Ferro devant la cour.

Des enquêtrices de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont affirmé que Sid-Ahmed Ghlam, soldat du jihad, avait été recruté depuis la Syrie par Abdelnasser Benyoucef, alias Abou Mouthana, et son bras droit Samir Nouad, alias Amirouche, deux cadres de l'EI présumés morts aujourd'hui dans la zone irako-syrienne.

La veuve d'Abdelnasser Benyoucef, Sonia M., incarcérée depuis son retour de Syrie, a assuré aux policiers que son époux lui avait confié avoir eu un rôle dans l'attentat raté de Villejuif. Elle est attendue devant la cour d'assises spéciale le 26 octobre.

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