Le nouvel âge d'or de la céramique célébré à la Biennale de Vallauris

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Par Claudine RENAUD - Vallauris (France) (AFP)
Publié le 19 juillet 2019 - 08:15
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Le céramiste Claude Aïello dans son atelier, le 16 juillet 2019 à Vallauris, dans le sud de la France
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© VALERY HACHE / AFP
Le céramiste Claude Aïello dans son atelier, le 16 juillet 2019 à Vallauris, dans le sud de la France
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Des maîtres italiens dont les prix s'envolent aux enchères, des oeuvres ultra-contemporaines connectées, lumineuses, tournées en 3D: l'art de la céramique, célébré par la Biennale internationale de Vallauris 2019 jusqu'au 4 novembre, n'a jamais été aussi tendance.

"C'est un nouvel âge d'or", assure Christine Germain-Donnat, membre du comité de pilotage de la Biennale et directrice du musée de Sèvres.

"Depuis 10 ans, les collectionneurs achètent beaucoup et la céramique est un langage utilisé par des artistes venus de la peinture, de la photographie ou de la performance", observe Claudia Casali, directrice du Musée international de la céramique de Faenza en Italie, lieu de référence mondial, et commissaire du superbe programme italien de cette 25e Biennale.

Après une pause de trois ans pour se régénérer, ce grand rendez-vous de Vallauris, lancé en 1968 mais qui "tournait un peu en rond" selon sa commissaire générale Sandra Benadretti, accueille une sélection de plus d'une centaine de pièces, incarnant l'héritage de la grande époque et l'avant-garde.

Dans la section "Terra Italia", les pionniers de l'art informel, Lucio Fontana (1899-1968), célèbre pour ses incisions dans la toile, et Leoncillo (1915-1968) dont une oeuvre a approché le million de dollars chez Christie's à Londres fin 2018, côtoient la nouvelle génération, Salvatore Arancio et ses totems phalliques, Sissi et ses motifs blancs, connus des amateurs d'art contemporain.

- Surface tressée -

La Biennale investit quatre lieux de la cité des potiers, dont Picasso a fait la renommée de 1948 à 1955, vivant, travaillant à Vallauris, y organisant même des corridas.

L'atelier de Claude Aïello, parmi ces céramistes qui font prospérer la tradition de Vallauris, ne se visite pas. Mais quatre espoirs de l'Ecole nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) ont eu la chance d'avoir leur projet tourné de sa main. Les pièces sont exposées au Musée Magnelli, musée de la céramique, à l'étage au-dessus de Picasso.

La manifestation met les pieds dans le futur avec "Lightart" de Nicola Boccini et ses porcelaines interactives qui transmettent des images et de la lumière. Plongé dans le noir, le visiteur en fait changer les couleurs au son de sa voix.

A l'espace Grandjean, dans l'ancienne usine de poterie qui a conservé un four à bois, des vases texturés témoignent de l'apport de l'imprimante 3D conçue par le designer-chercheur néerlandais Olivier van Herpt, 30 ans.

Leur surface apparaît comme tressée, à l'intérieur comme à l'extérieur, un procédé irréalisable à la main, même avec un moule. "C'est la machine qui travaille, mais le fichier informatique est pensé par l'artiste. La 3D appartient à l'univers des +digital natives+ et la terre est un outil dont il voulait pousser l'expérimentation", souligne Nathalie Viot, directrice de la fondation Martell, mécène du Néerlandais.

Cette entreprise de Cognac finance aussi un Prix Jeune Créateur décerné pour la première fois, en plus du traditionnel Grand Prix de Vallauris.

Les lauréats sont un duo issu de l'Ecole supérieure d'art et de design (Esad) de Reims, Baptiste Sévin et Jaïna Ennequin, dont l'oeuvre emprunte à Salvador Dali pour l'amollissement des formes: les volumes épurés, couleur anthracite, ont subi un traitement particulier au rendu velours qui donne envie de toucher.

- Effet vintage -

Plusieurs facteurs se conjuguent pour donner à la céramique un nouveau lustre. Il y a un effet de rareté lié au décès des céramistes les plus célèbres, de Jean Cocteau (1889-1963) à François Raty (1928-1982) dont les oeuvres pouvaient encore dans les années 1980 s'acheter en boutique ou au musée.

Autre facteur expliquant ce retour en grâce, une nouveauté des formes qui l'apparentent à la sculpture, la rapprochent du design, l'associent à la création vidéo. "La terre qui pouvait être considérée comme une étape dans un processus artistique est considérée pour elle-même, séduit comme matériau final par sa sensualité", observe Mme Germain-Donnat.

Nicolas Debussy, commissaire priseur à Cannes Enchères, croit aussi à un effet report. Quand il devient impossible de s'offrir une toile de Dufy, Chagall ou Miro, on peut se fait plaisir avec leurs céramiques, sous-cotées même si les prix montent: "Les éditions de Picasso, fabriquées par l'atelier Madoura à Vallauris, prennent 10 à 15% par an, le marché est international et ça commence à 1.200 euros le cendrier".

L'effet vintage joue enfin, lié à l'engouement pour le mobilier des années 1950 à 1970 qui intégrait des pièces en céramique, très sobres, au décor domestique.

M. Debussy voit arriver sous le marteau des oeuvres qui auparavant auraient été jetées, comme cette fontaine monumentale signée Jean Derval ornant un appartement mis en vente sur la Croisette: "Ca coûte si cher à démonter qu'il y a 15 ans, les gens l'auraient tout simplement cassée".

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