Le prix Goncourt décerné à Eric Vuillard pour "L'ordre du jour"

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Par AFP
Publié le 06 novembre 2017 - 13:55
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L'écrivain Eric Vuillard lors d'une séance photo à l'AFP à Paris, le 4 novembre 2017
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© Joël SAGET / AFP/Archives
L'écrivain Eric Vuillard lors d'une séance photo à l'AFP à Paris, le 4 novembre 2017
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Est-ce un effet de la montée des populismes? Les jurés du Goncourt et du Renaudot ont choisi lundi d'attribuer leur prix à deux récits saisissants qui reviennent sur la montée du nazisme pour l'un et la fin misérable d'un des nazis les plus odieux pour l'autre.

Le prix Goncourt, la plus prestigieuse récompense littéraire du monde francophone, a été attribué à "L'ordre du jour" (Actes Sud) d'Éric Vuillard pour son récit fulgurant sur l'arrivée au pouvoir d'Hitler, l'Anschluss (l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie, ndlr) et le soutien sans faille des industriels allemands à la machine de guerre nazie.

Le prix Renaudot a pour sa part été attribué à Olivier Guez pour "La disparition de Josef Mengele" (Grasset), un récit hallucinant sur les dernières années du médecin tortionnaire d'Auschwitz, Josef Mengele.

"Pour comprendre certaines choses, nous avons besoin du récit", explique Éric Vuillard, 49 ans, écrivain passé maître dans l'art de démystifier, grâce à la littérature, des faits historiques. "La littérature et l'histoire ont toujours eu des rapports endogames", souligne-t-il.

L'écrivain lyonnais n'en est pas à son coup d'essai. Avant "L'ordre du jour", il a publié "14 juillet" (Actes Sud, 2016) où il décortiquait cette journée particulière de la Révolution française en donnant la voix aux sans-voix mais aussi "Conquistadors" (Léo Scheer, 2009) sur la chute de l'empire Inca, "Congo" (Actes Sud, 2012) sur la conquête coloniale ou encore "Tristesse de la terre" (Actes Sud, 2014), récit déchirant sur l'agonie des Indiens d'Amérique du nord. A chaque fois, Vuillard se saisit d'un événement connu et le dissèque en insistant sur des détails atroces ou grotesques mais significatifs.

La fin du récit sonne comme une mise en garde pour le temps présent. "On ne tombe jamais deux fois dans le même abîme. Mais on tombe toujours de la même manière, dans un mélange de ridicule et d'effroi".

Le président de l'académie Goncourt, Bernard Pivot, a reconnu avoir été impressionné par ce texte d'une écriture à la fois simple et sidérante. "Le livre est une leçon de littérature par son écriture et une leçon de morale politique", a-t-il reconnu.

"+L'ordre du jour+ montre qu'un groupe d'hommes, pas très nombreux, peut arriver, par l'intimidation, en comptant sur la veulerie des autres, le bluff et la brutalité, à circonvenir un pays et à déclencher plus tard une catastrophe mondiale", a résumé Bernard Pivot.

Des quatre finalistes du Goncourt, Éric Vuillard était le seul dont le livre n'a pas été publié à la rentrée d'automne. Autant dire qu'il était loin d'être le favori. Avant lui, seule Paule Constant (aujourd'hui membre de l'académie Goncourt) avait reçu le prestigieux prix avec un livre, "Confidence", publié au printemps. C'était en 1998.

- Succès d'Actes Sud -

Éric Vuillard a été retenu au 3e tour par six voix contre quatre à Véronique Olmi pour "Bakhita" (Albin Michel).

Ce prix est également un nouveau succès pour Actes Sud, la maison longtemps dirigée par la ministre de la Culture Françoise Nyssen. Il y a deux ans c'était déjà un livre publié chez Actes Sud, "Boussole" de Mathias Enard, qui avait reçu le Goncourt.

La maison basée à Arles peut en outre s’enorgueillir d'avoir reçu lundi le Renaudot de l'essai avec "De l'ardeur" de Justine Augier, histoire de l'avocate syrienne Razan Zaitouneh.

"En 160 pages, Eric Vuillard nous fait visiter les coulisses de l'histoire. Son regard a su admirablement identifier et donner à voir ces détails qui permettent de mieux comprendre le drame du XXe siècle dans son ensemble", a salué la ministre.

Le prix Goncourt est doté d'un chèque de dix euros, mais l'enjeu est autrement plus important. Un roman primé s'écoule, selon les cas, de 200.000 à 500.000 exemplaires.

Pour parler du docteur Mengele, un "sale type", connu pour ses expériences sur les jumeaux qu'il sélectionnait sur la rampe des chambres à gaz, "il n'était pas question de faire de la métaphore", confiait récemment à l'AFP Olivier Guez, écrivain et scénariste âgé de 43 ans.

Trois ans d'écriture et de recherches, notamment au Brésil - où Guez a retrouvé la ferme où Mengele s'était terré -, ont été nécessaires pour aboutir à "La disparition de Josef Mengele".

Se coltiner ce "personnage abject et médiocre" n'a pas été une sinécure. "Ça a été compliqué de cohabiter avec Mengele. Mais à un moment il faut monter sur le ring. L'affronter".

L'auteur strasbourgeois s'est imposé après six tours de scrutin.

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