Le scandale de l'office anti-stups éclabousse le parquet de Paris

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Par Pierre PRATABUY - Lyon (AFP)
Publié le 12 février 2019 - 22:13
Mis à jour le 13 février 2019 - 00:02
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Jean Veil, le 1er juin 2018 à Paris
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© ludovic MARIN / POOL/AFP/Archives
Jean Veil, le 1er juin 2018 à Paris
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Une magistrate, procureure adjointe au parquet de Paris, mise en examen pour "complicité de faux" ? C'est arrivé mardi à Lyon, dans un volet du scandale de l'office anti-drogue qui secoue, depuis trois ans, police et magistrature.

Véronique Degermann, 58 ans, a passé la journée devant le juge chargé de ce dossier dépaysé à Lyon. "Elle conteste les faits qui lui sont reprochés", ont indiqué à l'AFP ses avocats, Me Jean Veil et François Saint-Pierre, qui vont "saisir la cour d'appel" pour contester cette mise en examen, invoquant "l'absence de tout élément intentionnel".

"Quand on a été trompé, on n'est pas complice", a martelé Me Veil.

Un autre magistrat, David Peyron, ancien juge des libertés et de la détention (JLD) devenu président de chambre à la cour d'appel de Paris, doit aussi comparaître prochainement devant le juge, selon Le Monde.

Le juge leur reproche l'organisation, en avril 2012, d'une fausse garde à vue: celle d'un gros trafiquant de drogue, Sofiane Hambli. Qui était aussi l'informateur privilégié du commissaire François Thierry, patron de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) de 2010 à 2016, dont les méthodes controversées sont au cœur de l'affaire.

Celle-ci a éclaté après une saisie bien embarrassante: le 17 octobre 2015 à Paris, les douanes découvrent sept tonnes de cannabis dans des camionnettes garées au bas d'un luxueux appartement du boulevard Exelmans (XVIe arrondissement), occupé par Sofiane Hambli.

Dans ce premier volet, instruit à Bordeaux, François Thierry a été mis en examen, en août 2017, pour complicité de trafic de stupéfiants. Dans la foulée, il perdait son habilitation d'officier de police judiciaire, sanction transformée en suspension après un recours.

Le commissaire est suspecté d'avoir favorisé l'importation de la drogue sans avoir informé totalement l'autorité judiciaire des modalités de l'opération, ni du rôle joué par Sofiane Hambli. François Thierry soutient au contraire que le parquet de Paris était parfaitement au courant de ces livraisons surveillées, destinées à démanteler des filières, et de l'utilisation de l'informateur.

- "N'importe quoi" -

Des policiers de l'office en veulent pour preuve l'épisode de la fausse garde à vue, raconté à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) durant l'enquête sur la saisie du boulevard Exelmans, et qui vaut aujourd'hui des ennuis aux magistrats parisiens.

En avril 2012, détenu à Nancy, Sofiane Hambli est extrait de prison pour être conduit dans un hôtel proche des locaux de l'Ocrtis à Nanterre et y piloter à distance une grosse livraison de cannabis dans le sud de l'Espagne. La procureure adjointe et le JLD sont soupçonnés d'avoir donné un cadre juridique fictif à l'opération - eux disent avoir été trompés sur sa finalité.

La révélation de cet épisode, début 2017, coïncide avec une plainte déposée par un ancien agent de l'Ocrtis, Hubert Avoine.

"L'infiltré" - titre d'un livre que ce dernier publie, à pareille époque, avec un journaliste de Libération - raconte le drôle de jeu que François Thierry lui aurait fait jouer au printemps 2012 sur la Costa del Sol: dans une villa, il devait aider à décharger "19 tonnes" de drogue destinée à être revendue sur place à des trafiquants, qui l'achemineraient ensuite en France "en mode +go-fast+".

"Comme je le comprendrai plus tard, seule une partie des équipes sont interceptées (par la police, ndlr) à la remontée. Les autres, qui travaillent pour un gros informateur de l'Ocrtis, peuvent alors inonder le marché sans être inquiétées", écrivait dans sa plainte Hubert Avoine, mort d'un cancer à l'automne.

Depuis, un ex-policier de l'Ocrtis a été mis en examen à Lyon. François Thierry, lui, n'a pas encore été interrogé sur l'épisode espagnol. Le 20 décembre, le juge l'a placé sous le statut de témoin assisté pour d'autres faits et il doit le revoir.

Dès le 1er octobre 2015, Hubert Avoine avait écrit à François Molins pour lui faire part de ses doutes sur la légalité du cadre de son travail. L'ancien procureur de Paris a été entendu comme témoin dans le cadre de cette procédure. "Inédite car ils ont fait n'importe quoi", commentait en décembre une source proche du dossier.

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