A l'école de tauromachie, devenir torero reste l'exception

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Par Isabelle LIGNER - Garons (France) (AFP)
Publié le 06 juin 2018 - 12:39
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Winona, 11 ans, apprentie "torera" au Centre français de tauromachie (CFT), torée à la feria de Nîmes le 20 mai 2018
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© ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
Winona, 11 ans, apprentie "torera" au Centre français de tauromachie (CFT), torée à la feria de Nîmes le 20 mai 2018
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Sans taureau, mais cape ou épée en main, des enfants et des adolescents apprennent les gestes de la corrida dans des arènes proches de Nîmes, au sein d'une des rares écoles françaises de tauromachie. Mais peu d'entre eux deviendront finalement un jour torero.

Wynona, 11 ans, est la seule fille parmi la quinzaine d'élèves de 10 à 19 ans qui viennent régulièrement "toréer de salon" au Centre français de tauromachie (CFT), dont elle suit les cours depuis deux ans. "Je veux devenir torera", affirme la petite Montpelliéraine au visage volontaire.

La fillette, qui fait par ailleurs de la danse, effectue des gestes gracieux avec une cape rose vif. Face à elle, un châssis à roues figurant le taureau est manié par un camarade, qui doit imiter la manière de se déplacer de l'animal. "La tauromachie, j'aime ça et ça m'a beaucoup aidée pour me concentrer à l'école", assure l'apprentie torera.

Au côté de la fillette, d'autres élèves s'entraînent avec l'épée à viser haut et à plonger vers un seau incarnant le bulbe rachidien --dont la rupture entraîne la mort du taureau.

"Ici on leur apprend les gestes, mais après, il y a le passage devant l'animal qui remet tout en question", explique le torero nîmois Juan Villanueva, 56 ans, enseignant au CFT. "On sait que pour la plupart, les élèves ne seront pas toreros, mais chaque gamin qui passe ici s'en sert par la suite, dans sa vie: ce qu'on apprend ici, c'est à surmonter la peur", affirme cet ancien élève du CFT fondé en 1983 par son aîné, le matador nîmois Christian Lesur, 70 ans.

Nino, 15 ans, a commencé l'école taurine à l'âge de 9 ans, après avoir fait des arts martiaux, et espère devenir une "figura", un grand torero: "Je suis prêt à faire les sacrifices qu'il faut", assure l'adolescent. "Plus on avance, plus la difficulté est grande --le taureau, les arènes, le public, il y a plein d'émotions qui arrivent en même temps et qu'il faut apprendre à maîtriser", dit-il.

- "Ambition et humilité" -

Plus de 1.000 élèves sont passés par le CFT nîmois, qui se targue d'être la plus ancienne et la plus fréquentée des écoles de tauromachie de France. La plupart ne sont pas devenus toreros et ont abandonné au fil du parcours, quand ils ont été placés devant des veaux, des vachettes, ou enfin des taureaux de plus de 400 kg.

"Il y a des gamins qui font de très beaux gestes, qui vivent le côté paillettes, mais après le taureau vous remet vite à votre place, ne serait-ce que le bruit de l'animal qui souffle et qui va tout casser...", ajoute Juan Villanueva.

"Le taureau est le véritable professeur, ensuite, il y a le test du sang, quand on commence à se prendre des coups de cornes", renchérit l'autre enseignant du CFT, le matador lyonnais Patrick Varin, 62 ans. Pour espérer être torero, dit-il, "il faut être passionné, avoir à la fois énormément d'ambition et beaucoup d'humilité par rapport à la profession, par rapport au taureau, respecter l'être humain et respecter l'animal".

Si les deux enseignants soulignent "l'importance de transmettre une culture" pour qu'elle continue à vivre, l'incompréhension avec les anticorridas reste vive, tout particulièrement quand des enfants et des adolescents sont au coeur des polémiques.

"Dans le cadre de ces prétendues écoles où l’on apprend à blesser et à mettre à mort, les enfants sont soumis à un véritable conditionnement", dénonce la président de l'Alliance anticorrida Claire Starozinski, qui accuse en outre ces structures de "ne vivre que sous perfusion d'argent public".

"Les anticorridas ne comprennent pas notre relation au taureau et gaspillent leur énergie en relayant des clichés", répond M. Villanueva. "La réalité, c'est que la vie est cruelle, et ça on n'y peut rien", conclut-il.

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