L'Eglise confrontée à une demande d'enquête indépendante sur la pédophilie

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Par Karine PERRET - Paris (AFP)
Publié le 30 septembre 2018 - 00:15
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Un prêtre accusé d’agression sexuelle sur une fille s'est suicidé dans son église à Rouen
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© SEBASTIEN BOZON / AFP/Archives
Un groupe de personnalités réunissant des religieux, d'ex-ministres, des avocats et des victimes lancent un appel pour une enquête parlementaire indépendante sur les abus sexuels dans l’Église en France.
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Un groupe de personnalités réunissant des religieux, d'ex-ministres, des avocats et des victimes lancent un appel pour une enquête parlementaire indépendante sur les abus sexuels dans l’Église en France, afin que le pays commence à rattraper son "retard" en la matière.

"A côté des procédures judiciaires qui permettront de sanctionner les crimes et les délits individuels (...), seule une commission parlementaire a le pouvoir de faire la lumière sur le passé pour éviter qu'il ne se reproduise", affirment les auteurs de cet appel, transmis samedi à l'AFP et publié prochainement dans Témoignage chrétien.

Une telle commission pourrait exiger "la communication des archives diocésaines" et permettre d'informer la justice de "faits dont celle-ci n'aurait pas eu connaissance", écrivent-ils, au moment où de vastes scandales de pédophilie viennent d'être mis au jour aux États-Unis ou en Allemagne.

Parmi les signataires figurent les avocats Jean-Pierre Mignard et William Bourdon, les fondateurs de l'association de victimes La parole libérée, François Devaux et Alexandre Dussot-Hezez ou l'ancienne ministre de la Santé, Roselyne Bachelot-Narquin.

L'ex-ministre de la Famille et actuelle sénatrice Laurence Rossignol, le député LREM Jacques Maire ou encore le père Vignon, qui a récemment lancé une pétition pour demander la démission du cardinal Barbarin, soutiennent cette démarche.

L'archevêque de Paris, Mgr Aupetit, n'y est pas hostile: "Pourquoi pas, bien sûr !", dit-il au Parisien de dimanche. "Si la situation montre qu’on a besoin d’une intervention extérieure à l’Église pour aller au bout des choses, je ne vois pas d’entorse à la laïcité", ajoute-t-il.

Ce n'est pas la première fois que de telles doléances se font jour, mais elles peinent à être suivies d'actes. "On peut s'étonner à quel point la France est en retard par rapport à ce qui a été fait dans d'autres pays" comme l'Australie ou les États-Unis, déclare à l'AFP Laurence Rossignol.

"J'aspire à ce qu'un jour nous puissions faire un vrai rapport complet en se faisant aider pour cela par des personnes extérieures, pour avoir une vision plus scientifique", affirmait récemment au Monde Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims (non signataire de l'appel), plaidant pour "une sorte d'étude épidémiologique".

Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (non signataire également) suggère, elle, une "investigation" menée par des chercheurs qui serait "scientifiquement incontestable".

"En France, on n'a aucune donnée statistique, sur la pédophilie au sens large", souligne François Devaux, président de La Parole libérée. "Tant qu'on ne peut pas mesurer l'ampleur du fléau, on ne peut pas y répondre correctement", dit-il.

- "Bureaucratie énorme " -

"Tous les pays qui ont fait un travail d'inventaire l'ont fait grâce à des instances indépendantes de l'institution écclésiale", observe Christine Pedotti, directrice de la rédaction de Témoignage Chrétien.

C'est le cas de la Commission d'enquête royale en Australie, de la Commission Ryan en Irlande ou encore de l'enquête du grand jury de l’État de Pennsylvanie aux États-Unis.

En Allemagne, une enquête dévoilée cette semaine et réalisée par un consortium indépendant d'universitaires fait état d'au moins 3.677 victimes agressées entre 1946 et 2014 par au moins 1.670 membres du clergé.

Pour les auteurs de l'appel en France, le caractère contraignant d'une commission d'enquête parlementaire (obligation de répondre aux convocations, auditions sous serment, poursuites pénales possibles) donnera du poids à leur démarche.

Leur pétition, consultable en ligne (http://pedophilieeglise.wesign.it) doit être transmise à chacun des présidents de groupe à l'Assemblée et au Sénat.

"Le Parlement doit se saisir de cette demande", estime Mme Rossignol, qui prévient toutefois: "Une commission parlementaire, ce n'est pas le tribunal".

Pour beaucoup, il est temps de faire bouger les lignes. "L’Église, navire gigantesque, bureaucratie énorme, donne l'impression qu'elle ne sait pas comment prendre les choses. Les catholiques s'irritent qu'on ne leur réponde que par des propositions de type +journée de jeûne et de pénitence+", explique Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions.

Pour l'heure, il reste difficile d'évaluer le nombre de victimes de pédophilie dans l'Église. Dans un entretien à La Provence samedi, Mgr Georges Pontier, le président de la Conférence des évêques de France, a toutefois estimé que "1 %" des prêtres en France auraient commis des actes pédophiles.

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