Les commissaires aux comptes dans la rue, inquiets pour leur avenir

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Par Valentin BONTEMPS, avec les bureaux de l'AFP - Paris (AFP)
Publié le 17 mai 2018 - 21:46
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Les commissaires aux comptes manifestent devant le ministère de l'Économie à Paris, le 17 mai 2018
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© JACQUES DEMARTHON / AFP
Les commissaires aux comptes manifestent devant le ministère de l'Économie à Paris, le 17 mai 2018
© JACQUES DEMARTHON / AFP

"Une profession qui ne veut pas mourir": plusieurs milliers de commissaires aux comptes ont manifesté jeudi dans plusieurs villes de France contre la future loi Pacte, qui devrait les priver d'une grande partie de leur activité en relevant les seuils d'audit pour les entreprises.

Un "plan social de près de 10.000 emplois". Voilà ce que disent redouter les commissaires aux comptes, chargés de vérifier que les résultats publiés par les sociétés sont conformes aux normes légales et reflètent bien leur situation financière.

En cause: un projet gouvernemental prévoyant de relever les seuils d'audit obligatoire pour les sociétés, afin d'alléger les contraintes qui pèsent sur les entreprises et de favoriser la croissance et l'emploi.

"Avec la réforme, ce sont près de 150.000 entreprises qui ne verront plus leurs comptes certifiés", assure Jean Bouquot, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), organisme à l'origine des rassemblements.

"L'annonce a été faite de manière brutale et sans concertation. Or ces 150.000 entreprises représentent près de 40% de notre activité", ajoute M. Bouquot, qui craint 3.500 suppressions de postes chez les commissaires et près du double chez leurs collaborateurs.

- "Contrôle vital" -

D'après la CNCC, 4.000 commissaires aux comptes au total ont répondu à l'appel à manifester, à Paris et en province, sur les 13.000 que compte la profession. Un chiffre important pour ce secteur professionnel, qui se mobilisait ainsi pour la deuxième fois seulement de son histoire (le premier mouvement remontait à 2008).

Dans le détail, et selon des sources policières ou préfectorales, les cortèges ont rassemblé 1.250 personnes à Paris, 1.100 personnes à Lyon, 600 à Toulouse, 270 à Nantes, 200 à Strasbourg et 350 à Marseille, où le défilé s'est déroulé "dans le calme et la bonne humeur".

"Le Maire nous met en colère", "une casse sociale de plus", "une profession qui ne veut pas mourir", pouvait-on lire sur les pancartes brandies par les manifestants, venus pour certains en costume ou en tailleur.

"Si la réforme passe, on va perdre 50% de notre chiffre d'affaires. Notre métier va finir par disparaître", a confié à l'AFP Julie Pluot, commissaire aux comptes depuis six ans dans un cabinet de Troyes (Aube), présente dans le cortège parisien.

"Le gouvernement pense faciliter le business en réduisant les obligations de contrôle. Mais ce contrôle est vital pour les finances publiques, c'est un rempart contre la fraude fiscale", a estimé de son côté Yann Chaker, à la tête d'un cabinet parisien de 10 personnes.

A Paris, le cortège, parti de la bibliothèque François Mitterrand, dans le XIIIe arrondissement, a convergé vers le ministère de l’Économie et des Finances, où une délégation a été reçue par le cabinet de Bruno Le Maire.

- "simplifier le système" -

"Nous avons confirmé que le ministre était à l'écoute et prêt à travailler sur l'avenir de la profession sur la base de propositions concrètes pour accompagner la réforme des seuils", a indiqué à l'AFP l'entourage du ministre.

Actuellement, le seuil d'audit obligatoire en France est fixé à 2 millions d'euros pour les SAS (sociétés à actions simplifiées) et 3,1 millions d'euros de chiffre d'affaires pour les SARL (sociétés à responsabilité limitée). Pour les sociétés anonymes (SA), l'audit est obligatoire dès le premier euro de chiffre d'affaires.

Dans le cadre de la loi Pacte, qui doit être présentée d'ici l'été, le gouvernement souhaite relever ces seuils au niveau des règles européennes, soit 8 millions d'euros de chiffre d'affaires et plus de 50 salariés.

Cette modification permettra à "des millions de PME qui sont aujourd'hui soumises à ce seuil et qui payent aujourd'hui 5.500 euros en moyenne pour faire certifier leurs comptes" de ne plus avoir à acquitter cette somme, a justifié mi-avril Bruno Le Maire.

"Nous sommes d'accords pour simplifier le système actuel (...) Mais les commissaires aux comptes ne veulent pas être sacrifiés sur l'autel de l'harmonisation européenne", estime le président de la CNCC, Jean Bouquot.

Le ministre, assurant entendre "les réticences des commissaires aux comptes", a accepté de lancer une mission sur l'avenir de la profession, qui rendra ses travaux en juin.

"Une fois le rapport remis, le ministre recevra les représentants des commissaires aux comptes pour discuter directement avec eux", a indiqué jeudi Bercy.

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