Les coulisses suspectes du financement du FN devant le tribunal correctionnel de Paris

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Par Benjamin LEGENDRE - Paris (AFP)
Publié le 06 novembre 2019 - 16:44
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Wallerand de Saint-Just au Tribunal de Grande Instance de Paris), à l'ouverture du procès, le 6 novembre 2019
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© DOMINIQUE FAGET / AFP
Wallerand de Saint-Just
au Tribunal de Grande Instance de Paris), à l'ouverture du procès, le 6 novembre 2019
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Le FN et son entourage ont-ils financé leurs campagnes électorales entre 2012 et 2015 grâce à des escroqueries au préjudice de l'Etat ? Sept protagonistes de l'affaire, dont deux cadres du parti, comparaissent depuis mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris.

Le Front national, devenu Rassemblement national l'an dernier, est jugé jusqu'au 29 novembre pour "complicité" des escroqueries dont sont accusés les dirigeants du mouvement Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, et la société de communication Riwal d'un de ses proches conseillers, Frédéric Chatillon, lors des élections législatives de 2012.

A l'exception de la compagne de M. Chatillon, Sighild Blanc, représentée par son avocat, tous les prévenus étaient présents à l'ouverture du procès.

L'audience s'est concentrée sur des irrégularités de procédure soulevées par la défense: les avocats ont multiplié les attaques contre la validité de l'ordonnance qui a saisi le tribunal en octobre 2016, après trois ans d'investigations.

Le tribunal doit se prononcer jeudi à la mi-journée sur ces recours, auquel le parquet s'est opposé. En cas de rejet, l'audience reprendra avec l'examen du mécanisme de la fraude présumée.

En l'absence de Marine Le Pen, ni prévenue ni témoin, le trésorier du FN Wallerand de Saint-Just et l'eurodéputé Jean-François Jalkh sont les principaux protagonistes du procès aux côtés de M. Chatillon, chef d'orchestre de la mise en oeuvre des montages suspects.

L'affaire se concentre en particulier sur les "kits" de campagne standardisés - tracts, affiches, site internet - imposés par le FN à 525 candidats aux législatives et fournis par Riwal au prix de 16.650 euros.

Pour les juges d'instruction, saisis en 2014, ce système cachait des prestations "très largement surévaluées", destinées à tromper l'Etat, qui rembourse les dépenses de campagne des candidats dépassant 5% des voix.

Jeanne prêtait le montant du kit et les intérêts aux candidats qui lui rendaient immédiatement l'argent en achetant le matériel. Cet "aller-retour comptable" permettait à Jeanne, quasiment dénué de fonds propres, d'avancer presque 9 millions d'euros. Le micro-parti attendait ensuite que les candidats soient remboursés par l'Etat pour obtenir de quoi payer Riwal, unique intermédiaire entre le FN et ses fournisseurs.

Pour la défense, ce mécanisme, original mais légal, servait à pallier les difficultés récurrentes de financement du parti d'extrême droite, rejeté par les banques françaises.

- marges conséquentes -

Juriste historique du parti frontiste, M. Jalkh est soupçonné d'avoir imaginé ce système. Il est poursuivi pour "escroquerie", "abus de confiance" et "recel d'abus de bien sociaux".

M. de Saint-Just, renvoyé pour "recel d'abus de bien sociaux", se voit reprocher d'avoir accepté pour le FN des crédits et de dépenses assumées par Riwal à sa place.

Le FN est accusé d'avoir obtenu de Riwal un crédit-fournisseur illégal de quelque 950.000 euros et de lui avoir facturé frauduleusement 412.000 euros d'impressions "largement surévaluées" liées à la présidentielle de 2012.

L'enquête a par ailleurs pointé les marges conséquentes réalisées par Riwal et son patron Frédéric Chatillon. Accusé d'en avoir tiré profit, cet ancien chef du GUD, le syndicat étudiant d'extrême droite, est aussi jugé pour une longue série d'"abus de biens sociaux" au détriment de sa société.

Sa compagne Sighild Blanc, les comptables Olivier Duguet et Nicolas Crochet ainsi que son associé Axel Loustau, autre ancien du GUD et conseiller régional RN d'Ile-de-France, complètent le banc des prévenus, pour leur rôle dans la fraude présumée et pour en avoir tiré profit.

Dans un second volet, fruit d'une enquête ouverte en 2016, le tribunal doit aussi examiner des montages douteux mis en place par Jeanne, Jean-François Jalkh et Frédéric Chatillon, cette fois à l'époque des municipales et des européennes de 2014 ainsi que des départementales de 2015.

Pour l'avocat de M. Chatillon et de Riwal, Me Alexandre Varaut, "il s'agit de relations commerciales ordinaires dans le monde extraordinaire de la politique". Il entend démontrer que les tarifs de Riwal ne s'éloignent pas de ceux pratiqués par d'autres partis.

"Il n'y a absolument rien de répréhensible dans la manière dont nous avons mené nos différentes campagnes", a assuré de son côté Marine Le Pen, interrogée mardi soir par Europe 1.

"Les juges d'instruction qui ont pris en main cette affaire, et ça je l'ai constaté parce que j'ai été auditionnée par eux, avaient une méconnaissance absolument totale de ce que c'est une campagne électorale (...) Ils nous disent qu'il y a une surfacturation mais ils sont incapables de mesurer cette surfacturation", a-t-elle dénoncé.

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