Les coulisses suspectes du financement du FN devant le tribunal correctionnel de Paris

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Par Benjamin LEGENDRE - Paris (AFP)
Publié le 06 novembre 2019 - 01:44
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Le logo du Front national, à Paris, le 13 octobre 2016
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© LIONEL BONAVENTURE / AFP/Archives
Le procès pour des soupçons d'escroqueries autour du financement de plusieurs campagnes électorales du Front national entre 2012 et 2015 est prévu du 6 au 29 novembre devant le tri
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Le FN et son entourage ont-ils financé leurs campagnes électorales entre 2012 et 2015 grâce à des escroqueries au préjudice de l'Etat ? Sept protagonistes de l'affaire, dont deux cadres du parti, comparaissent depuis mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris.

Le FN, devenu Rassemblement national l'an dernier, est jugé jusqu'au 29 novembre pour "complicité" des escroqueries dont sont accusés les dirigeants du mouvement Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, et la société de communication Riwal, fondée par un de ses proches conseillers, Frédéric Chatillon, lors des élections législatives de 2012.

A l'exception de la compagne de M. Chatillon, Sighild Blanc, tous les prévenus étaient présents mercredi matin à l'ouverture du procès, qui a débuté par des interventions de la défense sur des irrégularités de procédure.

En l'absence de Marine Le Pen, ni prévenue ni témoin, les principaux protagonistes sont l'eurodéputé Jean-François Jalkh et le trésorier du RN Wallerand de Saint-Just, aux côtés de M. Chatillon, principal artisan des montages suspects soumis à l'examen du tribunal.

L'affaire se concentre en particulier sur les "kits" de campagne standardisés - tracts, affiches, site internet - imposés par le FN à 525 candidats aux législatives et fournis par Riwal au prix de 16.650 euros.

Pour les juges d'instruction, saisis en 2014, ce système cachaient des prestations "très largement surévaluées", destinée à abuser l'Etat, qui rembourse les dépenses de campagne des candidats dépassant 5% des voix.

Jeanne prêtait le montant du kit et les intérêts aux candidats qui lui rendaient immédiatement l'argent en achetant le matériel. Cet "aller-retour comptable" permettait à Jeanne, quasiment dénué de fonds propres, d'avancer presque 9 millions d'euros. Le micro-parti attendait ensuite que les candidats soient remboursés par l'Etat pour obtenir de quoi payer Riwal, unique intermédiaire entre le FN et ses fournisseurs.

Pour la défense, ce mécanisme, original mais légal, servait à pallier les difficultés récurrentes de financement du parti d'extrême droite, rejeté par les banques françaises.

Juriste historique du parti frontiste, M. Jalkh, est soupçonné d'avoir imaginé ce système. Il est poursuivi pour "escroquerie", "abus de confiance" et "recel d'abus de bien sociaux".

M. de Saint-Just, renvoyé pour "recel d'abus de bien sociaux", se voit reprocher d'avoir accepté que le FN bénéficie de crédits et de dépenses assumées par Riwal à sa place.

- Marges conséquentes -

Pour les magistrats instructeurs, Jeanne n'était qu'un faux-nez de Riwal, destiné à masquer le financement du FN par une personne morale: le FN se voit ainsi reprocher d'avoir obtenu de Riwal un crédit-fournisseur illégal de quelque 950.000 euros et de lui avoir facturé frauduleusement 412.000 euros d'impressions "largement surévaluées" liées à la présidentielle de 2012.

L'enquête a par ailleurs relevé les marges conséquentes réalisées par Riwal et son patron Frédéric Chatillon. Accusé d'en avoir tiré profit, cet ancien chef du Gud, le syndicat étudiant d'extrême droite, est aussi jugé pour une longue série d'"abus de biens sociaux" au détriment de sa société.

Sa compagne Sighild Blanc, les comptables Olivier Duguet et Nicolas Crochet ainsi que son associé Axel Loustau, autre ancien du Gud et conseiller régional RN d'Ile-de-France, complètent le banc des prévenus, pour leur rôle dans la fraude présumée et pour en avoir tiré profit.

Dans un second volet, fruit d'une enquête ouverte en 2016, le tribunal correctionnel doit aussi examiner des montages douteux mis en place par Jeanne, Jean-François Jalkh et Frédéric Chatillon, cette fois à l'époque des municipales et des européennes de 2014 ainsi que des départementales de 2015.

"Nous allons contester avec virulence ces accusations infâmantes", a déclaré à l'AFP l'avocat du parti, Me David Dassa-Le Deist. "Il est sidérant qu'après cinq ans d'instruction, l'accusation ne soit pas en mesure de chiffrer cette allégation de surfacturation", a-t-il expliqué, soulignant qu'"aucun texte ne fixe de tarif".

Pour l'avocat de M. Chatillon et de Riwal, Me Alexandre Varaut, "il s'agit de relations commerciales ordinaires dans le monde extraordinaire de la politique". Il entend démontrer que les tarifs de Riwal ne s'éloignent pas de ceux pratiqués par d'autres partis.

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