Les occupants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes : une grande hétérogénéité

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Par Anne-Sophie LASSERRE - Notre-Dame-des-Landes (France) (AFP)
Publié le 10 janvier 2018 - 10:43
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Une cabane construite sur la route traversant la Zad de Notre-Dame-des-Landes, le 9 janvier 2018
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© LOIC VENANCE / AFP
Une cabane construite sur la route traversant la Zad de Notre-Dame-des-Landes, le 9 janvier 2018
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Éleveurs de père en fils, "néo-ruraux", militants anticapitalistes et "anti-système": les occupants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes présentent une hétérogénéité rare, aussi bien dans leurs profils et leurs situations que dans leurs modes d'action.

Soudés dans une même détermination à défendre "coûte que coûte" cette zone bocagère de 1.650 hectares vue comme un "camp retranché" par les autorités, zadistes et paysans "résistants" pourraient voir leur unité voler en éclats au lendemain de la décision du gouvernement sur l'avenir du projet d'aéroport, notamment dans l'attitude à adopter vis-à-vis de l'État.

Entre 150 et 400 personnes vivent en permanence sur la ZAD, selon les saisons, dont "un noyau dur d'une cinquantaine d'individus radicaux et violents", estime le rapport d'experts remis le 13 décembre au gouvernement. Cette minorité, moins visible hors situation conflictuelle, inquiète les autorités. Surtout si des activistes radicaux venus de toute l'Europe leur prêtaient main forte contre une opération d'évacuation.

- Des profils très variés -

Les habitants et exploitants agricoles dits "historiques", nés dans ce coin de bocage nantais ou arrivés sur le territoire avant l'accélération du projet de transfert de l'aéroport, ont été rejoints par des militants issus de mouvements écologistes et altermondialistes. Occupée, la "zone d'aménagement différé" dédiée à la plateforme aéroportuaire devient "zone à défendre".

La population de la ZAD et le nombre de squats s'accroissent au fur et à mesure des rassemblements sur le site: d'abord dans la foulée du "camp action climat", à l'été 2009, puis lors du campement anticapitaliste anti-G8 "No G", à l'été 2011, et, enfin, à l'hiver 2012-2013, à l'issue de la tentative d'évacuation massive des squats par les forces de l'ordre, baptisée "opération César".

Jeunes et moins jeunes, venant des villages alentours ou de l'autre bout du monde, ils viennent "du milieu militant, étudiant, paysan, de squats. Certains ont connu la rue, la prison. Des gens ont fait de hautes études, Polytechnique, l'EHESS, même Saint-Cyr, d'autres n'ont pas fait d'études du tout", a livré à l'AFP un occupant installé depuis plusieurs années.

Si "les sensibilités, les looks, les formes d'action sont différents", tous ont en commun, outre leur opposition à l'aéroport, "une critique des rapports marchands et des formes de consommation classiques, une méfiance vis-à-vis des modèles sociaux hiérarchisés et une volonté de s'émanciper de tout ça", explique un autre zadiste. "En venant vivre ici, tu acceptes d'être en résistance, en conflit. Ça dresse le profil..."

Accusant les autorités de les "diaboliser" pour mieux les "diviser" et les "réprimer", les occupants mettent l'accent sur les activités et la vie de village qui s'y est créée: élevage et maraîchage, tannerie, forge, bibliothèque ou studio de hip-hop. Une crèche y a même vu le jour.

- une même détermination -

Depuis une quinzaine d'années, la "résistance" contre l'aéroport est protéiforme. Outre l'occupation du terrain et la multitude de recours judiciaires visant à empêcher le projet, les opposants ont mené des actions ciblées contre les porteurs du projet. Blocages de chantiers, "entartage" d'élus, "vigie citoyenne" devant le conseil départemental, chaîne humaine ou encore grève de la faim. Les nombreuses manifestations, à Nantes ou dans le bocage, ont pu donner lieu à de violents affrontements avec les forces de l'ordre.

Les plus marquantes restent celles de l'automne 2012, où en réaction à la mobilisation de 2.000 CRS et gendarmes mobiles sur la ZAD pour déloger les squatteurs, les opposants avaient fait usage d'engins incendiaires et projectiles divers, érigé des barricades, grimpé dans des cabanes dans les arbres, s'étaient allongés sur les routes ou avaient entouré maisons et fermes de tracteurs. Mettant ainsi en échec "l'opération César".

Cinq ans plus tard, tous réaffirment une détermination semblable pour empêcher leur expulsion. Mais en cas d'abandon du projet, leurs intérêts pourraient diverger et tous ne semblent pas prêts à négocier avec l'exécutif.

Les zadistes ont réactivé un "numéro d'urgence", pour signaler la présence des forces de l'ordre ou de pelleteuses autour du site, et appellent d'ores et déjà leurs soutiens à venir massivement sur la ZAD ou à "viser" les lieux de pouvoir partout en France en cas d'intervention policière.

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