L'escalade de glace, la montagne givrée au bout des piolets

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Par Sophie LAUTIER - Grenoble (AFP)
Publié le 13 janvier 2020 - 10:00
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Des pratiquants d'escalade de glace en Allemagne, près de Goslar, le 3 mars 2018
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© Swen Pförtner / dpa/AFP/Archives
Des pratiquants d'escalade de glace en Allemagne, près de Goslar, le 3 mars 2018
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Elle peut être sorbet ou cristalline, verte ou bleue, cigare ou méduse: la glace enchante ceux qui se lancent à l'assaut de ses cascades, une discipline de montagne encore confidentielle et promue par le plus grand rassemblement du genre dans les Hautes-Alpes.

L'Ice Climbing, 30e édition, s'est clos dimanche au cœur du Parc national des Ecrins, un des hauts lieux de la pratique de la cascade de glace, après avoir accueilli 500 personnes de 17 nationalités pendant 3 jours.

"L'idée est de mixer les pros et les béotiens, les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes", expliqué à l'AFP Cathy Jolibert, organisatrice de "l'Ice" depuis 7 ans et qui a œuvré pour atteindre une quasi parité dans un milieu assez masculin.

De la première édition à l'orée des années 1990, dans une ambiance de "rendez-vous de copains" à l'initiative d'un guide précurseur dans l'ascension des cascades de glace, Gérard Pailheret (décédé en 2010), l'événement a évolué vers "du plus organisé", sous la houlette de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM) et s'est ouvert au free ski, ski de randonnée et à la raquette, raconte Cyril Copier.

Il est chargé de la sécurité de l’événement, soit une semaine de repérage, à ski, à pied, en hélicoptère avec le Peloton de gendarmerie de haute-montagne de Briançon pour définir au final "une cinquantaine d'itinéraires" dans les vallées du Fournel et de Freissinières, à Pelvoux, mais aussi dans le Queyras voisin avec Aiguilles, Ceillac, Arvieux.

- "Assez simple" -

"Le rassemblement vit grâce à cet élargissement car dès qu'il y a un risque d'avalanche, certains secteurs sont inaccessibles", souligne ce guide des Ecrins. Là, des sites d'initiation, comme au centre du village d'Aiguilles permettent d'attirer des débutants sans les rebuter par de longues marches d'approche.

Les glaciéristes avertis l'assurent: cette discipline contredit les idées reçues. "C'est assez simple, avec deux ou trois conseils, on s'élève", affirme Cyril Copier. Il suffit d'"utiliser les reliefs de la glace pour poser les pieds et bien planter les piolets".

Il ne faut pas pratiquer quand il fait trop froid (-20°c) car la glace est trop cassante. Le mieux reste entre 0 et -5°C. "Je suis frileuse, j'ai froid comme tout le monde et je pleure quand je prends une onglée (quand le sang circule à nouveau dans les extrémités, ndlr)", assure Julia Virat, 37 ans, guide de haute montagne et mordue de glace.

Elle s'enthousiasme pour "la liberté gestuelle" de cette pratique, "on peut planter le piolet où on veut - ou à peu près -, personne n'est trop grand ou trop petit, c'est moins sélectif que certains mouvements d'escalade en rocher", estime cette encadrante d'équipes féminines, qui s'est offert en solo la mythique voie d'El Capitan dans le parc de Yosemite (USA) en 2018.

- "Pas de trace" -

L'affiche de la 30e édition met une femme à l'honneur, tête à l'envers: "On vit dans un monde qui tourne à l'envers, va-t-on réussir à se redresser? La montagne est un marqueur des changements climatiques et une activité comme l'alpinisme va devoir s'adapter", souligne Cathy Jolibert.

Lionel Daudet, alpiniste, voyageur et écrivain, se rappelle du haut de ses presque 52 ans des débuts de l'escalade de glace "ici dans les Hautes-Alpes", quand Freissinières était un temple du haut niveau avec des parois comme la tête de Gramusat caparaçonnée de glace.

"Les conditions ne sont plus les même que dans les années 1990 et 2000: début décembre, on ne se posait pas de question, on faisait de la glace. Aujourd'hui, on peut attendre janvier et on n'est plus sûr de sortir crampons et piolets".

La pratique se modifie, "le flux principal des experts se déplace vers la Norvège, ou le Canada dans les Rocheuses ou au Québec", avance cet haut-alpin, amoureux de la "magie et de la féérie" de la glace.

Aux éventuels volontaires, il ne promet pas "l'hédonisme" mais "une approche quasi osmotique d'une nature" où le grimpeur gravit une "structure éphémère où il ne laissera même pas une trace". "Comme Alice, on passe de l'autre côté du miroir". Une expérience philosophique.

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