La création d'un "tribunal criminel", annonce surprise de la réforme de la justice

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Par Caroline TAIX - Paris (AFP)
Publié le 09 mars 2018 - 12:22
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Edouard Philippe et plusieurs ministres dont Nicole Belloubet (d) le 23 février 2018 à Lille
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© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives
Edouard Philippe et plusieurs ministres dont Nicole Belloubet (d) le 23 février 2018 à Lille
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Trois jours après les annonces d'Emmanuel Macron sur la réforme des peines, la garde des Sceaux Nicole Belloubet et le Premier ministre Édouard Philippe ont dévoilé vendredi les axes de la réforme de la justice, avec une annonce surprise: l'expérimentation d'un "tribunal criminel" à la place des assises.

Dans ce tribunal départemental seront jugés "les crimes qui se trouvent en bas de l'échelle", a déclaré Édouard Philippe, lors d'un déplacement au Palais de justice de Reims avec Nicole Belloubet. Cela concernera par exemple les viols, les coups mortels, les vols à main armée.

L’objectif est "de désengorger les cours d'assises et de limiter la détention provisoire". "C'est une manière de permettre au justiciable d'avoir des jugements plus rapidement", a dit la ministre.

Actuellement, le tribunal correctionnel (un juge et deux assesseurs) juge des délits passibles de 10 ans d'emprisonnement, alors que la cour d'assises (trois juges et six jurés populaires, des citoyens tirés au sort) sanctionne les crimes passibles de la réclusion criminelle à perpétuité.

"Les cours d'assises se concentreront sur les crimes les plus graves, notamment en récidive et sur l'appel", a déclaré le Premier ministre. Actuellement, de nombreux viols sont requalifiés en agressions sexuelles pour être jugés, plus rapidement, en correctionnelle.

La création de ce tribunal criminel est une demande des chefs de juridiction, selon le Premier ministre, mais aussi de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). "On pourra juger des crimes comme des crimes", s'est félicitée auprès de l'AFP Céline Parisot, secrétaire générale de ce syndicat.

Cette annonce surprise s’inscrit dans une réforme plus large de la justice, vivement contestée par les syndicats, qui doit être transmise au Conseil d’État mi-mars avant une présentation du projet de loi devant le Conseil des ministres le 11 avril. Elle comprend cinq volets: sens et efficacité des peines, simplification de la procédure civile, simplification de la procédure pénale, transformation numérique et adaptation du réseau des juridictions.

"L'objectif est simple: bâtir une justice efficace, rapide et accessible à tous sur l'ensemble du territoire", a résumé le Premier ministre.

Il n'y aura "pas de grand soir de la carte judiciaire", a-t-il dit, à propos du chantier le plus sensible, qui provoque depuis plusieurs mois une forte mobilisation à travers la France. "Nous faisons le pari d’une réforme managériale qui part du terrain" car "tout ne se joue pas à Paris". Les chefs de juridictions auront "la possibilité de présenter des propositions d’organisation, territoire par territoire".

"L’intégralité des sites géographiques existants" sera "préservée". En revanche, les tribunaux d'instance (TI), qui jugent les petits litiges du quotidien (jusqu'à 10.000 euros d'amende) et les tribunaux de grande instance (TGI) seront fusionnés quand ils sont situés dans la même ville.

- Simplifier les démarches -

Pour les procédures pénale et civile, l'objectif de la réforme est de faciliter l'accès à la justice en simplifiant les démarches et en accélérant le rendu des décisions.

Au niveau pénal, le gouvernement plaide pour le dépôt de plainte en ligne, la forfaitisation de certains délits comme la consommation de cannabis, et la suppression de la présentation obligatoire au procureur d'un suspect en cas de prolongation de sa garde à vue.

Un dossier numérique unique sera créé, de la plainte jusqu'au jugement, auquel auront accès policiers, avocats, magistrats ou justiciables.

Au niveau civil, l'exécutif veut encourager les règlements amiables des différends. La réforme pourrait instaurer "le caractère exécutoire de la décision de première instance", c'est-à-dire l'application immédiate du jugement. Pour l'USM, qui critique cette mesure, le but est "d'assécher les appels, qui perdent un peu de leur sens".

Les annonces sur le sens et l'efficacité de la peine ont été largement dévoilées par le président mardi. Les peines de moins d'un mois seront proscrites et pourront jusqu'à 6 mois être effectuées en milieu ouvert. Cela permettra selon Emmanuel Macron de "sortir de prison plusieurs milliers de personnes", alors que la surpopulation carcérale atteint en moyenne 120% en France. En revanche, il veut qu'une peine de prison de plus d'un an soit effectivement et aussitôt exécutée.

Le président est revenu sur sa promesse de création de 15.000 places de prison supplémentaires, s'engageant désormais à la construction de 7.000 places d'ici 2022.

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