L'explosion de colère de Tapie face à l'ex-PDG du Crédit Lyonnais

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Par Anne-Sophie LASSERRE - Paris (AFP)
Publié le 27 mars 2019 - 23:40
Mis à jour le 28 mars 2019 - 00:18
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L'ancien président du Crédit Lyonnais Jean Peyrelevade arrive au tribunal, à Paris le 11 mars 2019
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© Martin BUREAU / AFP/Archives
L'ancien président du Crédit Lyonnais Jean Peyrelevade arrive au tribunal, à Paris le 11 mars 2019
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"Est-ce que vous n'avez pas honte?": au onzième jour de son procès à Paris dans l'affaire de l'arbitrage controversé de 2008, Bernard Tapie a explosé de colère face à l'ancien PDG du Crédit Lyonnais, qu'il accuse de l'avoir spolié lors de la revente d'Adidas.

Les deux vieux ennemis, qui se retrouvaient là, sont depuis deux heures à couteaux tirés quand l'ancien patron de l'Olympique de Marseille, jugé devant le tribunal correctionnel pour "escroquerie", se lève en début de soirée pour poser une question à Jean Peyrelevade, à la tête de l'ex-banque publique entre 1993 et 2003.

Ce dernier, témoin cité par le parquet, venait de lui opposer, gardant ostensiblement le dos tourné, qu'il ne répondrait "pas à quelqu'un qui (l'a) accusé d'être un escroc", dans le contentieux les opposant depuis la revente de l'équipementier Adidas il y a vingt-cinq ans.

Un arbitrage, censé solder cet ancien litige et que l'homme d'affaires est soupçonné d'avoir truqué, avait octroyé à l'homme d'affaires - en liquidation personnelle depuis fin 1994 - 403 millions d'euros en 2008, dont 45 millions d'euros au titre du préjudice moral.

"Je vous ai fait gagner avec Adidas beaucoup plus que toutes les dettes que j'avais. Ca ne vous a pas empêché de mettre mon nom sur une poubelle", déclare Bernard Tapie la voix teintée de sanglots, en allusion à une campagne publicitaire du Crédit Lyonnais en 1994.

"Est-ce que vous n'avez pas honte? Vous avez fait ça pour m'insulter, pour me tuer. (...) Vous êtes le premier responsable de ce qui m'arrive", ajoute M. Tapie, qui souffre à 76 ans d'un double cancer, concluant son monologue par des "salopard, pourriture".

L'homme d'affaires et ex-ministre du gouvernement Bérégovoy accuse le Crédit Lyonnais de l'avoir floué d'une importante plus-value lors de la revente d'Adidas à l'industriel Robert-Louis Dreyfus, à travers un montage qu'il estime occulte.

Jean Peyrelevade a de nouveau soutenu que la vente était favorable à Bernard Tapie, alors que la société "n'était pas très loin du dépôt de bilan".

"Il y a deux visions: l'une rose, merveilleuse et une autre, la mienne, qui est que quand je suis arrivé Adidas fuyait de tous les côtés. Tout le reste, c'est de la décoration, (...) des +fake news+ fabriquées par Bernard Tapie", assure M. Peyrelevade, aujourd'hui conseil en investissements financiers.

- "Lapsus révélateur" -

Cet épisode électrique contraste avec le face-à-face glacial plus tôt dans la journée entre un Bernard Tapie cette fois mutique et son ancien ami Benoît Bartherotte.

Ce dernier, ex-homme d'affaires et "constructeur de digues" dans la région bordelaise, est venu confirmer à la barre à la demande de l'accusation des déclarations faites en 2013 au quotidien régional Sud-Ouest sur "l'exultation" de son ami de vingt ans le soir de la victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle.

"Le lendemain de l'élection où Bernard Tapie était opposé à Ségolène Royal", lance Benoît Bartherotte, avant de marquer une pause, semblant ne pas comprendre le soudain flottement dans la salle d'audience. "Ben non, je suis bête: Nicolas Sarkozy!", se reprend-il après ce "lapsus révélateur: Tapie et Sarkozy, c'était le même combat".

"Quand je l'ai appelé, il m'a tout de suite dit: +Tu m'as vu hier sur les plateaux?+. Il exultait et il avait raison. Il insistait sur l'intensité de leurs relations et sur le fait que son affaire allait être réglée plus vite", témoigne M. Bartherotte, assurant n'être pas venu "accabler" Bernard Tapie, tandis que ce dernier fait mine d'applaudir les représentants du parquet.

Il est reproché à M. Tapie, jugé depuis le 11 mars pour "escroquerie" et "détournement de fonds publics" aux côtés de cinq autres prévenus, d'avoir fait pression sur ses soutiens à l’Élysée pour obtenir un arbitrage privé et de s'être assuré de la "partialité" d'un des trois arbitres, ce qu'il conteste. La sentence a depuis été annulée au civil pour "fraude".

Le procès est prévu pour durer jusqu'au 5 avril.

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