L'hôpital public de retour dans la rue, "le coeur brisé"

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Par Gabriel BOUROVITCH - Paris (AFP)
Publié le 14 février 2020 - 05:00
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Nouvelle journée de grève et de manifestations des personnels hospitaliers prévue le 14 février 2020 en France
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© Sameer Al-DOUMY / AFP/Archives
Nouvelle journée de grève et de manifestations des personnels hospitaliers prévue le 14 février 2020 en France
© Sameer Al-DOUMY / AFP/Archives

Trois mois après le "plan d'urgence" du gouvernement, les personnels hospitaliers ont manifesté vendredi leur amour du service public, mais aussi leur colère, syndicats et collectifs estimant que les mesures annoncées à l'automne ne répondent pas à leurs revendications.

"Nous avons le coeur brisé": Saint-Valentin oblige, les collectifs Inter-Hôpitaux et Inter-Urgences, à l'origine de cette nouvelle mobilisation, avaient demandé aux soignants d'"apporter une fleur blanche" pour "témoigner (leur) amour à l'hôpital public".

A Paris, quelques milliers de soignants - plus de 10.000, selon la CGT - ont défilé dans l'après-midi de l'hôpital Necker (XVe arrondissement) à celui de la Pitié-Salpêtrière.

Coeurs peints sur le visage et ballons roses à la main, l'ambiance animée tranchait avec la gravité des témoignages. Comme celui de Florian, 55 ans, aide-soignant à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, racontant sa "course quotidienne pour répondre aux sonnettes des patients", avec seulement "une infirmière pour deux étages et deux aides-soignants pour 28 patients".

A Grenoble, 220 personnels du CHU, des travailleurs sociaux, des étudiants et usagers ont marché depuis l'hôpital pour aller déposer symboliquement à la Caisse de Sécurité sociale des arrêts maladie, notamment pour "dépression" ou "deuil difficile de l'hôpital public".

Le plan Buzyn, "c'est beaucoup d'effets d'annonce à coup de millions et milliards, mais rapporté à chaque hôpital, ça fait des miettes. On aime le pain mais avec quelque chose dessus!", témoigne Sophie Michallet, 29 ans, infirmière en réanimation neurologique.

A Strasbourg, une cinquantaine de personnes se sont rassemblées devant l'agence régionale de santé (ARS), déposant au sol chaussures et blouses blanches pour dénoncer le "manque de moyens et de personnel". Selon Jean-Claude Matry, responsable de la CFTC locale, "il manque 88 infirmières" dans le CHU alsacien.

A Dijon aussi, une quarantaine de personnes se sont retrouvées devant les bureaux de l'ARS, dont Delphine Chrétien, 50 ans, aide-soignante dans un hôpital psychiatrique où "on accueille des patients sur des lits de camp, dans des salles d'activité ou des bureaux".

A Besançon, une centaine d'agents du CHU se sont regroupés sur le parvis de l'établissement, où ils ont suspendu de grands draps blancs sur lesquels était inscrit "I love my hosto".

Même affluence à Lille, dans la cour d'honneur de l'hôpital Huriez, où les soignants ont réalisé une chaîne humaine en forme de coeur. "J'ai fait le choix de travailler à l'hôpital public, ça veut dire quelque chose pour moi, j'y suis extrêmement attachée", souligne Julie Bouchet.

A 30 ans, cette pharmacienne se "donne corps et âme pour l'instant, mais ça ne pourra pas durer, je ne pourrai pas travailler quarante ans comme ça".

- "S'inviter dans les municipales" -

Onze mois après le début de la grève des urgences, les organisateurs désespèrent d'obtenir gain de cause sur les hausses de salaires et d'effectifs qu'ils revendiquent.

"Ce mouvement n'a obtenu aucun résultat en termes d'embauches et d'attractivité", estime le neurologue François Salachas, membre du Collectif Inter-Hôpitaux.

L'exécutif a pourtant fait des concessions en novembre, après une première journée de grève et de manifestation assez largement suivie.

Rallonge budgétaire, primes à foison, reprise massive de dette... Pour le Premier ministre, Edouard Philippe, ce "plan d'urgence" doté de "moyens considérables" devait "redonner de l'oxygène" aux soignants.

Mais dans le "climat mortifère" du secteur, "ces propositions ne sont pas porteuses d'espoir", estime Hugo Huon, président du collectif Inter-Urgences.

Eclipsées depuis décembre par la mobilisation contre la réforme des retraites, les blouses blanches ont ramené l'attention sur leur cause avec une série de démissions collectives.

Depuis trois semaines, environ 800 médecins-chefs ont renoncé à leurs fonctions administratives, désertant les instances de direction pour se consacrer exclusivement aux soins.

Ils en avaient averti Agnès Buzyn lors d'une rencontre mi-janvier, mais la ministre de la Santé souhaite "d'abord qu'on fasse un état des lieux de la façon dont les réformes s'appliquent".

Certaines promesses ont en effet été concrétisées depuis janvier, ou sont en passe de l'être: crédits pour l'achat de matériels, nouvelles primes, revalorisation des tarifs hospitaliers...

D'abord programmé mi-mars, un nouveau rendez-vous avec les médecins hospitaliers a été avancé à "la semaine prochaine", a indiqué Mme Buzyn vendredi sur France Inter.

"Je n'exclus pas des mesures complémentaires (...) mais je veux qu'elles viennent du terrain", a ajouté la ministre, qui s'était déjà montrée ouverte à la demande des praticiens de "retravailler" la "gouvernance" des hôpitaux pour "donner beaucoup plus la main aux professionnels médicaux".

Un peu d'argent et de pouvoir, mais trop peu pour contenter les intéressés. "Ce n'est pas du tout à la hauteur des besoins", juge M. Salachas, promettant de "s'inviter dans les élections municipales" pour "demander aux candidats de se positionner" sur le budget des hôpitaux.

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