L'hypermarché sans caissiers enfonce un coin dans la loi sur le repos dominical

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Par Marie-Pierre FEREY - Paris (AFP)
Publié le 29 août 2019 - 09:25
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L'ouverture chahutée dimanche après-midi d'un hypermarché uniquement avec des caisses automatiques à Angers présage, selon syndicats et analystes, d'une nouvelle offensive de la grande distribution co
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L'ouverture chahutée dimanche après-midi d'un hypermarché uniquement avec des caisses automatiques à Angers présage, selon syndicats et analystes, d'une nouvelle offensive de la gr
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L'ouverture chahutée dimanche après-midi d'un hypermarché uniquement avec des caisses automatiques à Angers présage, selon syndicats et analystes, d'une nouvelle offensive de la grande distribution contre la législation sur le repos dominical.

"C'est une première, l'utilisation uniquement de caisses automatiques dans un hyper sur ce créneau du dimanche après-midi", affirme à l'AFP Daniel Ducrocq, analyste du secteur de la distribution au cabinet Nielsen.

"Le circuit traditionnel est fermé sur ce créneau là, or le dimanche peut peser jusqu'à 10% des ventes dans les magasins dits de proximité, c'est un véritable enjeu", explique-t-il.

La loi interdit aux grandes surfaces alimentaires d'employer les salariés après 13h le dimanche, sauf dans les "ZTI", ou zones touristiques internationales.

A Angers, le Géant Casino a ouvert dimanche après-midi avec uniquement des caisses automatiques et du personnel extérieur au groupe (4 animatrices de caisse et 8 vigiles).

"On respecte les règles", a assuré une porte-parole de Casino à l'AFP. "Ce sont des salariés qui ont le droit de travailler le dimanche. Nous avons 82 magasins ouverts dans ces conditions en France et ça n'a jamais posé problème" -- mais il ne s'agit pas d'hypermarchés.

L'ouverture d'Angers a été perturbée par quelque 200 manifestants, à l'appel de la CGT rejointe par des représentants d'autres syndicats et des gilets jaunes.

Jean Pastor, délégué syndical central CGT du groupe Casino, dénonce une "banalisation du travail du dimanche à moindre frais puisque les hôtesses de caisses et vigiles déployés par la société prestataire n'auront pas droit aux majorations prévues" (30% obligatoire le dimanche matin, portée à 50% chez Casino).

"C'est un nouveau contournement de la législation" selon l'avocat Vincent Lecourt, qui a plaidé de nombreux contentieux sur le repos dominical pour l'intersyndicale du commerce de Paris, le Clic-P.

- "Passe-passe" -

"Par un tour de passe passe, on recourt à des prestataires de services qui ont le droit de travailler le dimanche et permettent à l'enseigne d'offrir ce service", ajoute-t-il.

Selon lui, "la distribution est confrontée aujourd'hui à une consommation quasiment plane. Pour gagner des parts de marché, il faut proposer un service que les autres n'offrent pas. Le premier qui déclenche les hostilités va gagner un delta sur les autres opérateurs, écraser une partie de la concurrence et en profiter. Les autres opérateurs n'ont pas d'autres choix que s'aligner sur la logique. On revient à la vie sauvage".

La grande distribution invoque la concurrence du commerce en ligne pour réclamer des horaires étendus. "On se doit d'être au plus proche des attentes des clients qui font leurs courses sur internet 24h sur 24", relève Casino, qui a inauguré l'an dernier un magasin "tout automatique" ouvert 24h/24 près des Champs-Elysées à Paris.

"A Paris beaucoup d'enseignes ouvrent le dimanche après-midi avec des salariés qui sont dans l'illégalité en dépit des multiples condamnations qui sont prononcées, simplement l'Etat ne s'est pas donné les moyens de les faire fermer. En dehors des zones touristiques internationales c'est interdit, mais ils le font quand même" observe l'avocat Vincent Lecourt.

La secrétaire d'Etat à l'Economie, Agnès Pannier-Runacher, a assuré mardi que le gouvernement allait examiner si l'ouverture du Géant Casino d'Angers était légale.

"Il y a certes des caisses automatiques mais il y aussi un petit peu de personnel, un vigile, etc. Ce personnel travaille en prestation de services, donc il y a une question de savoir s'il n'y pas un contournement de la loi", a déclaré la ministre.

La CFTC de son côté s'inquiète dans un communiqué de "la place du dimanche dans la société" et attend "une intervention urgente de l'Etat".

Mais Vincent Lecourt se dit "très pessimiste": "Chaque fois la démarche est la même. Un mouvement illégal est initié, et l'Etat, au lieu de réagir en faisant appliquer la décision des tribunaux, accepte l'usage contraire à la loi et modifie la loi".

"Le repos dominical va disparaître, ou plutôt il va s'appliquer seulement là où il n'est pas intéressant d'ouvrir le dimanche", redoute-t-il.

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