L'interdiction du "ñ" dans les noms remue au-delà de la Bretagne

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Par AFP
Publié le 27 octobre 2017 - 16:05
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La carte d'identité du petit Fañch, le fils de Jean-Christophe et Lydia Bernard, le 25 octobre 2017
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La carte d'identité du petit Fañch, le fils de Jean-Christophe et Lydia Bernard, le 25 octobre 2017 à Rosporden, en Bretagne
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Le petit Fañch pourra-t-il garder son tilde ? Depuis son interdiction par la justice, ce signe en forme de vague suscite un débat houleux en Bretagne, où parents et élus dénoncent une "discrimination" linguistique. Et remue jusqu'au Pays basque.

C'est sans doute le bébé le plus célèbre de Bretagne. Depuis sa naissance le 11 mai dernier, le petit Fañch (diminutif de François en breton) est au cœur d'une polémique inattendue, à cause d'un simple tilde posé sur son prénom et banni par l'état civil au nom du respect de la langue française.

"Cette affaire, tout le monde en parle en basse Bretagne, il y a une incompréhension totale de la population", pointe Bernez Rouz, président du conseil culturel de Bretagne.

Bercés de culture bretonne, les parents, Lydia et Jean-Christophe Bernard, étaient loin de prévoir un tel emballement au moment de prénommer leur fils comme son arrière-grand-père paternel.

L'officier d'état civil de Quimper oppose un premier refus, retoqué par l'adjointe au maire. C'est alors que le procureur intervient et saisit le tribunal, au nom du respect de la langue française.

Le 13 septembre, le jugement tombe: admettre le tilde reviendrait "à rompre la volonté de notre État de droit de maintenir l'unité du pays et l'égalité sans distinction d'origine", tranche le tribunal de Quimper.

A l'appui de son argumentation, il cite la loi du 2 Thermidor An II (20 juillet 1794) qui impose le français comme seule langue de l'administration.

Mais surtout une circulaire ministérielle de 2014, établissant une liste limitative des signes (accent, tréma, cédille, etc.) "connus de la langue française" pouvant être utilisés dans l'état civil. Dans laquelle ne figure pas le tilde.

Un texte aujourd'hui très contesté. "L’idée même d'écrire un prénom en français n’a guère de sens car un prénom ne relève pas forcément d’une certaine langue et n'a pas d'orthographe", souligne ainsi Philippe Blanchet, professeur de socio-linguistique à l'Université de Rennes 2.

"Il aura son tilde"

Quant à Bernez Rouz, il note que le tilde "a été utilisé couramment en français au Moyen-Âge", et cite un édit de Charles IX en 1567 où France est écrit "Frãce".

"Comment se fait-il qu'il est aujourd'hui hors-la-loi ? Il est tombé en désuétude mais n'a jamais été complètement abandonné", par exemple dans "cañon", note M. Rouz.

Au ministère de la Justice, on explique que "l'Académie française avait été sollicitée" lors de l'écriture de la circulaire et qu'elle a validé la liste retenue.

"C'est un débat d'un autre âge", se désole le député (LREM) du Morbihan, Paul Molac, qui, avec une vingtaine de députés de la majorité, a demandé au ministère de revoir sa circulaire.

La région Bretagne et le département du Finistère lui ont emboité le pas, en votant des vœux à l'unanimité. Et la famille de Fañch, qui a fait appel, est soutenue par l'association Skoazell Vreizh (Secours Breton), qui paiera les frais de justice grâce aux dons.

"On va aller jusqu'au bout, il aura son tilde", assure le père.

En Bretagne, l'affaire rappelle celle de la famille Le Goarnig qui lutta pendant des années pour permettre à ses enfants de porter des prénoms bretons. Incarcérés pour non déclaration d'enfant, privés d'allocations familiales, ils obtinrent en partie gain de cause en 1966.

Mais l'histoire de Fañch trouve aussi un écho au Pays basque où Alexandra Ibañez, 33 ans, n'a pas pu léguer le tilde de son nom de famille à son fils Ronin. "Sans ce tilde, ce n'est plus le même nom. C'est comme une faute d'orthographe", dit-elle. Via sa page Facebook "Touche pas à mon n tildé" (près de 1.000 membres), elle a fait connaissance avec de nombreux parents dans la même situation, pour leurs enfants Aña ou João.

L'affaire Fañch devrait être jugée en appel en 2018. Mais le combat est loin d'être gagné d'avance. Dans les années 2000, les parents de Martí (prénom catalan avec un accent aigu sur le i) avaient essuyé revers sur revers, jusque devant la Cour européenne des droits de l'Homme...

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