A l'ombre de Barbarin, Mgr Gobilliard lève un voile sur la sexualité des prêtres

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Par Alexandre GROSBOIS - Lyon (AFP)
Publié le 02 juillet 2019 - 11:04
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Emmanuel Gobilliard à la cathédrale Saint-Jean à Lyon le 6 juin 2019
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© JEFF PACHOUD / AFP
Emmanuel Gobilliard à la cathédrale Saint-Jean à Lyon le 6 juin 2019
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Intime du cardinal Barbarin à l'archevêché de Lyon, le remuant évêque Emmanuel Gobilliard s'est révélé en osant aborder de front le tabou de la sexualité des prêtres tout en prenant soin de ne pas écorner les fondamentaux de l'Église.

Âgé de 51 ans, ce fils de militaire d'allure sportive est devenu en septembre 2016 l'un des plus jeunes évêques de France lorsqu'il est choisi par le pape François pour épauler Philippe Barbarin à Lyon.

A l'aise face aux médias, l'homme aux lunettes brunes se fait connaître du grand public comme porte-parole du diocèse pendant la tempête médiatique du procès Barbarin, sachant, contrairement à son supérieur, éviter maladresses et polémiques.

"Je ne sais pas l'image que je donne et je m'en fiche. Je n'ai jamais été empêché d'être naturel dans l'Église. On m'a plutôt encouragé", assure l'évêque auxiliaire à l'AFP.

- "Ce que tu veux, fais-le" -

Né en 1968 à Saumur et ordonné à 29 ans, Mgr Gobilliard devient en 2006 recteur de la cathédrale du Puy-en-Velay. Entre 2011 et 2012, il s'offre une parenthèse comme enseignant dans un séminaire à Madagascar... déjà sur les pas de Barbarin qui l'avait précédé sur la Grande Ile entre 1994 et 1998.

C'est pendant ce séjour qu'il écrit des lettres publiées plus tard sous le titre de "Journal de Tanjomoha". L'une d'elles, contant sa solitude et son "désir d'une femme", est mise en ligne en 2013 sur le site de la cathédrale du Puy. L'écho - principalement positif - est considérable parmi les fidèles et les religieux.

"J'en étais honteux mais j'ai reçu beaucoup de lettres de prêtres qui m'ont remercié d'aborder ce problème très simplement. Ça a été le début d'une aventure", rapidement nourrie par une formation en psychologie de la vie sexuelle.

Sur fond de scandales répétés qui éclaboussent l'Église, il publie en 2018 "Aime et ce que tu veux, fais-le!", où il confronte son point de vue sur la sexualité des célibataires consacrés avec la sexologue Thérèse Hargot. Une première pour un religieux français de son rang.

"Je n'avais plus le choix. A partir du moment où j'étais dévoilé, je pouvais l'assumer paisiblement". Même si le sens de ce titre un brin provocateur - encouragé par l'éditeur - n'est pas celui qu'on croit.

"Ça ne veut pas dire aime et fais n'importe quoi. C'est très exigeant, aimer ça veut dire vouloir le bien de l'autre, puis il s'agit ensuite d'aller jusqu'à l'action" par le don de soi, précise-t-il.

Bombardé de facto spécialiste de la sexualité au sein de l'Église française, Mgr Gobilliard est dès lors sollicité par des confrères en recherche de dialogue hors du cadre de la confession. Face à eux, il soutient que "les pulsions sexuelles révèlent toujours un profond besoin d'aimer".

"Je ne leur dis pas +va faire du sport ou prends une douche+, mais +prends ton équilibre dans ton choix de vie, ton ministère, et autour+".

- "On doit changer" -

Au sujet des scandales de pédophilie, l'évêque salue "l'abcès percé", évoquant même "une période favorable".

"Certains me disent: +c'est terrible+, mais moi je dis que c'est très bien, la vérité se fait. Je préfère être dans l'Église maintenant que dans celle d'il y a 20 ans, où on ignorait les choses qui se passaient".

"Le changement réside dans le fait qu'il ne faut pas se prendre pour le centre du monde, il faut faire confiance à la police, la justice. Depuis (le procès Barbarin, ndlr) j'ai déjà fait plusieurs signalements au procureur", commente-t-il.

Clarinettiste assidu, féru de parachutisme, de tennis et de théâtre, Emmanuel Gobilliard incarne une Église moderne tout en adhérant "profondément" au discours du pape François.

Et pas question de remettre en cause le célibat des prêtres ou d'envisager d'accorder plus de place aux femmes dans l'Église.

Face à l'AFP, il consent à effleurer le cas Barbarin, qui a pris du recul en attendant l'appel de sa condamnation à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d'agressions sexuelles commises dans son diocèse.

"On habite l'un à côté de l'autre. Nos rapports sont francs et fraternels. On a une vie de prière le matin et on prend le petit-déjeuner ensemble". Il n'en dira pas davantage.

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