A l'université de Lille, "serviettes, cups et tampons gratuits" contre la "précarité menstruelle"

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Par Clément MELKI, Elia VAISSIERE - Villeneuve-d'Ascq (AFP)
Publié le 15 janvier 2019 - 12:24
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Des étudiants distribuent des serviettes hygiéniques à l'Université de Lille à Villeneuve d'Ascq le 15 janvier 2019
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© DENIS CHARLET / AFP
Des étudiants distribuent des serviettes hygiéniques à l'Université de Lille à Villeneuve d'Ascq le 15 janvier 2019
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"C'est gratuit? Génial!" Au milieu d'un hall fréquenté de l'université de Lille, à Villeneuve-d'Ascq (Nord), une étudiante brandit fièrement un paquet de serviettes hygiéniques devant un stand éphémère installé par la direction. "J'ai eu un cadeau les gars!", lance-t-elle à ses amis.

Serviettes, tampons, coupes menstruelles: cette semaine, l'université distribue quelque 30.000 kits de protection hygiénique aux jeunes femmes sur ses différents campus, sans conditions de ressources et sur simple présentation de leur carte étudiante.

Première opération du genre en France, l'initiative vise à faciliter l'accès à ces produits "de première nécessité" pour "lutter contre la précarité menstruelle".

Selon les associations, les femmes dépensent chaque mois entre cinq et sept euros en protections hygiéniques.

"Dans un budget étudiant, il n'y a pas beaucoup de marge de manoeuvre, c'est parfois la nourriture ou l'hygiène", souligne Sandrine Rousseau, vice-présidente chargée de la vie étudiante et de l'égalité femmes-hommes à l'université de Lille, à l'origine du projet financé sur fonds propres, à hauteur de 59.000 euros. "Je ne veux pas que la santé des étudiantes en pâtisse", explique-t-elle à l'AFP.

Venues pour l'occasion ou intriguées par les dizaines de paquets verts et bleus empilés sur les tables et au sol, quelques jeunes femmes s'approchent timidement, rapidement imitées par d'autres. Toutes saluent une "super idée".

"De nombreuses femmes ne peuvent pas correctement subvenir à ce besoin. J'ai des amies qui sont obligées d'utiliser une seule serviette par jour, en ajoutant du papier toilette ou du sopalin pour ne pas dépenser trop d'argent. C'est difficile à vivre et humiliant", confie Imène, étudiante en littérature de 22 ans.

"Au lycée, souvent les parents les achètent. Mais quand on arrive à la fac, on doit tout calculer. On est à l'euro près en permanence", ajoute-t-elle, ajustant son imperméable kaki.

Pour elle, ces produits devraient être disponibles "en pharmacie, toujours gratuits pour les étudiantes". "Aujourd'hui c'est juste commercialisé, avec beaucoup de marketing, des couleurs, des parfums, et on oublie que c'est un produit absolument indispensable", déplore-t-elle.

- "Lever le tabou" -

A la rentrée 2018, l'Ecosse est devenu le premier pays au monde à mettre à disposition des protections intimes dans les écoles, collèges, lycées et universités du pays. Un "modèle" encore lointain en France, même si la Mutuelle des étudiants (LMDE) rembourse depuis l'année dernière une partie des protections hygiéniques de ses adhérent(e)s, à hauteur de 20 à 25 euros par an.

Derrière les tables, Téo Becquart, en service civique, scanne les cartes étudiantes en souriant. "C'est bien que la fac fasse quelque chose pour pallier ces dépenses, que nous n'avons pas en tant qu'hommes", juge-t-il.

Elisa Savatte, 18 ans, voudrait quant à elle "tester la +cup+ (coupe menstruelle)", que 200 étudiantes pourront demander à la place des serviettes et tampons. "C'est un produit cher, alors qu'il est pratique, plus écologique…"

"Les règles font partie de la vie, il n'y a pas de raison d'en avoir honte ou peur parce que l'on n'a pas de sous", plaide Sandrine Rousseau.

Mais les jeunes femmes semblent ce matin "très à l'aise", et "cela veut dire que le tabou est un peu levé", se réjouit-elle, y voyant les "effets inattendus (du mouvement) #MeToo".

"C'est un premier pas intéressant", qui pourrait "donner des idées à d'autres facs et ouvrir le débat" au niveau national, s'enthousiasme Juliette Delage, 25 ans.

Ce dispositif "inédit" sera reconduit en 2020 et 2021 et "aménagé" en fonction de la demande, assure Mme Rousseau, qui entend chercher "des partenaires et des financements" car "30.000 kits annuels ne suffiront pas" pour les 37.000 étudiantes de la faculté.

"Des universités françaises et étrangères nous ont déjà contactés pour nous demander comment on avait procédé", glisse-t-elle, espérant "que cela se répandra comme une trainée de poudre".

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