Lutte contre le harcèlement : le campus bordelais sous le regard des femmes

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Par AFP
Publié le 23 novembre 2017 - 13:14
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L'université de Bordeaux mène une grande enquête sur le "sentiment d'insécurité", en particulier des
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© MEHDI FEDOUACH / AFP
L'université de Bordeaux mène une grande enquête sur le "sentiment d'insécurité", en particulier des jeunes femmes.
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"Quand je finis tard sur le campus, je m'organise toujours pour ne pas traîner, je privilégie la voiture ou je file directement au tram", explique Carole, étudiante à l'université de Bordeaux où est menée une grande enquête sur le "sentiment d'insécurité", en particulier des jeunes femmes.

19H00, la nuit est tombée sur le campus Pessac-Talence-Gradignan, le deuxième plus grand de France (235 hectares) situé en périphérie de Bordeaux : une quinzaine d'étudiantes, enseignantes et chercheuses, accompagnées de quelques hommes, déambulent au milieu des bâtiments, inspectant chemins, recoins ou parkings peu éclairés, lors d'une "marche exploratoire" destinées à cartographier les zones particulièrement anxiogènes.

Là, c'est un garage à vélo, notoirement insuffisant et sans aucun éclairage, qui est relevé. Plus loin, c'est l'absence de trottoir et de lampadaire sur des routes passantes qui fait réagir. Ailleurs, c'est un arrêt de bus, situé loin de tout bâtiment universitaire, faiblement éclairé et en lisière d'un bois, qui suscite l'intérêt.

Car, à côté d'une enquête en ligne envoyée à tous les étudiants et membre du personnel à laquelle ont répondu près de 5.000 personnes, cinq "marches exploratoires" de ce type ont été organisées en quelques mois sur ce campus des années 1960, qui sera rénové à partir de 2018.

"Notre objectif, c'est d'avoir le regard des femmes sur l'aménagement urbain, de faire reculer les violences, de favoriser la convivialité, la sécurité et la tranquillité", explique Dominique Poggi, sociologue et membre de l'association "A places égales". Importée d'Amérique, déjà utilisée dans les quartiers populaires d'une vingtaine de villes en France, la méthode est expérimentée pour la première fois sur un campus universitaire.

"Il s'agissait de faire un diagnostic partagé avec les étudiantes et le personnel, tant sous forme qualitative et quantitative", explique Marion Paoletti, maître de conférence en sciences politiques qui a supervisé l'analyse des résultats de l'enquête en ligne.

- "Un nouveau regard" -

L'étude révèle que le campus, fréquenté par 65.000 étudiants, est "perçu comme anxiogène, surtout le soir, d'abord par ceux et celles qui y habitent". Elle souligne aussi que "les agressions, de nature diverse, sont récurrentes" sur un campus utilisé par "60% d'étudiantes".

"Drague lourde" (16%), "insultes" (9%) , "rencontre avec un exhibitionniste" (5%), "agression sexuelle" (0,2%), "viol ou tentative de viol" (0,1%) : au total 1.260 personnes sur 4.920 se sont dites victimes de tels agissements, selon l'enquête réalisée entre avril et juin, avant que plusieurs affaires retentissantes dans l'actualité ne libère la parole des femmes.

Près de 40% des victimes disent n'en avoir parlé à personne, contre seulement 5% au service de prévention du campus et 4% à la police. La plupart disent s'être "adaptées à la situation" : déplacement uniquement en vélo, départ du campus avant la nuit, voire déménagement.

Au fil du parcours, les urgences sont listées : aplanir les talus qui empêchent de voir et d'être vu, réparer les éclairages défaillants, installer une véritable signalétique. Plus globalement, desservir tous les bâtiments par des pistes cyclables, améliorer l'accès aux équipements sportifs distants et isolés , installer des veilleurs de nuit pour les zones d'habitation, etc.

"Cela nous apporte un nouveau regard, on comprend mieux les difficultés de sécurité sur notre campus", explique Eric Genay, directeur du programme de rénovation. "Il y a des choses assez faciles à régler comme l'éclairage ou l'aplanissement des talus. D'autres sont plus délicates, dues à l'organisation des bâtiments, et vont prendre quelques années", reconnaît-il.

Doctorante en archéologie, Carole Biron, qui étudie depuis huit ans sur le campus, a déjà participé à plusieurs de ces marches. Elle se félicite du dispositif qui permet de "formaliser le ressenti global des étudiantes" et surtout de le faire "remonter aux institutionnels et aux décideurs".

A terme, les initiatrices de l'enquête souhaitent que des marches exploratoires soient systématiquement organisées à chaque étape du réaménagement. Pour que soient "prises en compte les expériences spécifiques des femmes".

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