Mal en point, le viaduc d'Echinghen au cœur de contentieux entre concessionnaire et constructeurs

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Par Julia PAVESI - Echinghen (France) (AFP)
Publié le 10 août 2019 - 10:30
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Un panneau de signalisation du Viaduc d'Echingen, le 28 novembre 2018 à Boulogne-sur-Mer
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© FRANCOIS LO PRESTI / AFP/Archives
Un panneau de signalisation du Viaduc d'Echingen, le 28 novembre 2018 à Boulogne-sur-Mer
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Défaut de conception ou d'entretien? Actuellement en travaux, le viaduc autoroutier d'Echinghen, un des deux ponts classés comme nécessitant "une intervention urgente" après la catastrophe de Gênes, est au cœur de contentieux, le concessionnaire accusant les constructeurs d'être responsables de l'état de l'ouvrage.

Après l'effondrement du viaduc autoroutier italien, qui a fait 43 morts le 14 août 2018, le gouvernement avait publié une première liste de 164 ouvrages importants. Deux figuraient en dernière catégorie, "3U", "ouvrages dont la structure est gravement altérée et nécessite une intervention urgente", dont celui d'Echinghen, sur la côte du Pas-de-Calais.

"On vit au rythme des travaux. On ne sait pas quand ça commence, ni quand ça finit", raconte Eric Pignon, qui habite l'un des quelques pavillons situés au pied des piles hautes de 70 mètres. Le pont long de 1.301 mètres menant à Boulogne-sur-Mer sur l'A16 "vieillit mal", estime Catherine Pignon, sa femme, qui l'a vu se construire.

Propriété de l'Etat et concédé à la Sanef jusqu'en 2031, cet ouvrage d'art à caisson ouvert fut construit par un consortium mené par Bouygues et mis en service en 1998.

La structure est précontrainte par 330 câbles extérieurs au béton injectés au coulis de ciment. Une technologie abandonnée depuis 2001 à cause des risques de rupture "brutale" de câbles, dangereuse pour le personnel et "susceptible d’endommager des pièces accessoires ou importantes de la structure (désordres en chaîne)", rappelle une note du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) de novembre 2018.

Depuis l'automne 2018, une dizaine de câbles corrodés sont en cours de changement sur ce viaduc exposé au vent et aux embruns du littoral, dont le péage coûte 1,10 euro pour une voiture. Tout en haut des piles, on devine échafaudages et agents en chasuble fluo.

- "Assurer la pérennité" -

Selon la Sanef, qui organise une inspection annuelle et une inspection détaillée tous les cinq ans, des travaux de maintenance préventive des câbles débutent en 2017. Fin octobre 2017, la corrosion des câbles est découverte. Début novembre, le pont est classé "3U" par des bureaux d'études. Par précaution, les deux voies extérieures sont condamnées - et le sont toujours -, les camions détournés via la commune d'Isques jusqu'en juin 2018.

"La préfecture m'a appelé. Ca s'est fait totalement en urgence", se souvient Bertrand Dumaine, maire du village-rue de 1.100 habitants. "Les riverains ont beaucoup souffert. Vous imaginez 2.500 poids lourds par jour ?". Conséquence: le Conseil départemental a dû payer 450.000 euros de réfection de la départementale dégradée, aidé par la Sanef à hauteur de 175.000 euros.

Le changement des câbles devrait se terminer d'ici la fin de l'année. Le contentieux, lui, perdure : la Sanef - exploitant 2.063 km d’autoroutes pour un chiffre d'affaires de 1,752 milliard d'euros en 2018 - impute au groupement des constructeurs les divers désordres qui lui coûtent "plusieurs millions d'euros".

Rapports d'experts à l'appui, le concessionnaire -qui craignait alors des "risques" de corrosion- a engagé en 2013 une procédure pour faire condamner solidairement à 7,4 millions d'euros d'indemnités Bouygues travaux publics et consorts, à cause des déchirures sur les gaines des câbles et du mortier de réparation, enduit par endroit, entraînant des "fissurations importantes du béton".

Dans son jugement du 10 octobre 2017, consulté par l'AFP, le tribunal administratif de Lille a débouté la Sanef, estimant que les constructeurs n'avaient commis ni fraude ni tromperie. Le dossier est à l'instruction en appel et des expertises judiciaires sont toujours en cours, notamment pour savoir si certaines fissurations résultent d'un défaut de conception, d’exécution ou des conditions d'entretien.

"C'est un ouvrage que l'on suit extrêmement attentivement (...) A aucun moment la sécurité des usagers n'a été mise en cause", affirme Vincent Fanguet, directeur de l'exploitation de Sanef, discret concernant "plusieurs démarches contentieuses en cours (...) La justice tranchera".

Selon lui, "tous ces travaux ont pour seul objectif d'assurer la pérennité d'un ouvrage à long terme".

Bouygues Construction s'est, pour sa part, refusé à tout commentaire.

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