A Marseille, cohabitation forcée avec les détenus pour les riverains des Baumettes

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Par Olivier LUCAZEAU - Marseille (AFP)
Publié le 23 février 2018 - 09:00
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Vue d'un balcon sur la prison des Baumettes à Marseille, le 14 février 2018
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© BERTRAND LANGLOIS / AFP
Vue d'un balcon sur la prison des Baumettes à Marseille, le 14 février 2018
© BERTRAND LANGLOIS / AFP

A Marseille, un ancien cabanon retapé, à l'entrée du Parc national des calanques, avec vue imprenable sur... les cellules des Baumettes: depuis le 15 mai 2017 et l'inauguration des nouveaux bâtiments de la prison marseillaise, la vie d'Eliane a radicalement changé.

Pour les habitants du quartier des Baumettes, à quelques encablures des eaux turquoises des calanques de Morgiou et Sormiou, avoir des détenus pour voisins était banal. Eliane Gastaud est arrivée en 1965 dans ce bout isolé de Marseille, au sud de la ville. Son mari y est né, juste avant la construction de la prison en 1939. Ils étaient habitués aux "concerts de casseroles", quand la tension montait derrière le mur d'enceinte.

Mais depuis l'ouverture des Baumettes II, première tranche de la nouvelle prison, la musique n'est plus la même: hurlements et menaces des détenus depuis les cellules, musique à fond jusqu'au bout de la nuit, parloirs sauvages au pied des maisons du quartier...

Réunis dans un collectif, ils sont désormais plus d'une centaine de "voisins des Baumettes" en colère. Officiellement, la nouvelle prison devait "améliorer grandement les conditions de vie des détenus", tout en "limitant les nuisances" pour le quartier, promettait l'APIJ, l'Agence publique pour l'immobilier de la justice, en novembre 2012.

Le résultat n'est clairement pas au rendez-vous: Robert Pollio, menacé physiquement par un détenu alors qu'il déjeûnait sur la terrasse de sa maison, peut en témoigner: "Oh toi là-bas, avec le parasol jaune, tu rentres chez toi, ou on va s'occuper de ta femme"...

Beaucoup de voisins acceptent de témoigner auprès de l'AFP, mais certains ne donnent que leur prénom: "Je préfère rester prudent", explique Roger: "En face ce ne sont pas des enfants de choeur, il y a des tueurs". Habitant du quartier depuis 22 ans, Christian a lui aussi changé ses habitudes. Fini la terrasse, et quand il part en vacances, il rentre la voiture dans le garage: "Ils savent exactement où on habite, il leur suffit de prévenir leurs proches".

- 'Les riverains sont plus exposés' -

L'APIJ promettait que "seuls deux niveaux du nouveau bâtiment femmes (seraient) susceptibles de dépasser du mur d'enceinte". En fait ce sont quatre étages du bâtiment qui ont une vue plongeante sur la terrasse d'Eric Varin, juste de l'autre côté de la rue. Aux beaux jours, il se réfugie dans la petite bande de jardin qui longe sa maison, à l'abri derrière une grande toile. "Et les amis à la maison, c'est fini...".

"Nous avons clairement le sentiment d'avoir été trompés", résume Eliane Gastaud, coordinatrice des "voisins des Baumettes".

"Il est évident que les riverains sont plus exposés" aux nuisances, reconnaît Guillaume Piney, le nouveau directeur des Baumettes, auprès de l'AFP: "Ils n'inventent pas".

Si les anciens bâtiments ne dépassaient pas le mur d'enceinte, sur cette partie de la prison, les Baumettes II, ils le surplomblent aujourd'hui nettement. Mais pas question d'occulter la vue depuis les fenêtres des cellules, ou d'interdire leur ouverture. Ce serait "contraire aux règles humanitaires de détention", a expliqué M. Piney aux riverains.

"Pour tenter de régler ce problème, nous sommes tenus par des contraintes juridiques, techniques, mais aussi financières", insiste M. Piney auprès de l'AFP.

Et le problème risque encore de se poser avec les futures Baumettes III, qui remplaceront les derniers bâtiments de la prison historique. "Pour nous, c'est foutu", craint Eliane Gastaud. "Mais au moins que tout le quartier ne vive pas la même chose".

Comme ces +parloirs sauvages+, à toute heure du jour ou de la nuit, depuis les rues en pente du quartier, avec une vue directe sur les fenêtres des cellules femmes, à 50 m. Tout récemment c'est par exemple ce Roméo marseillais qui est venu hurler son amour -"Nawel, je t'aime"- à sa Juliette prisonnière. Pendant un quart d'heure, sur sa moto pétaradante. A 02H30 du matin...

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