A Marseille, un projet expérimental loge des SDF aux côtés de start-up

Auteur:
 
Par Julie Pacorel - Marseille (AFP)
Publié le 03 avril 2019 - 09:00
Image
L'entrée de l'immeuble abritant le projet "Coco Velten", à Marseille, le 2 avril 2019
Crédits
© GERARD JULIEN / AFP
L'entrée de l'immeuble abritant le projet "Coco Velten", à Marseille, le 2 avril 2019
© GERARD JULIEN / AFP

Accueillir le public dans un restaurant et une salle de concert, loger 80 sans-abri, héberger une quarantaine d'associations et d'entreprises, le tout dans un seul et même immeuble... Tel est le pari de "Coco Velten", projet expérimental d'occupation d'un bâtiment public à Marseille.

L'énorme bâtisse de 4.000 m2, à deux pas de la gare Saint-Charles, dans le quartier Velten, a des airs de fourmilière, à quelques jours de son inauguration officielle. Des ouvriers entrent et sortent, de grandes planches sur les épaules, croisant des résidents, d'ex-SDF, des "start-uppeurs" ou de simples curieux.

"C'est la dynamique du lieu qui nous a plu, considérer que tout le monde a sa place dans un quartier", explique Elise Giordano, jeune architecte dont la Scop, Aïno, loue un local à "Coco" depuis janvier. Dans un bureau voisin, des chercheurs sur le climat attendent avec impatience d'animer un goûter-débat sur le changement climatique avec les résidents de l'immeuble.

Au même étage, Yassine prend son café. Le jeune Marocain vivait "entre la rue, chez des amis et un squat" jusqu'à ce que "Coco Velten" lui ouvre ses portes. Rien à voir avec les centres d'hébergement d'urgence qu'il a connus jusque-là. Ici, les résidents ont leur badge pour accéder à l'immeuble, leur clé, leur boîte aux lettres. Et surtout ils restent autant de temps qu'ils veulent.

A l'origine de l'initiative, un appel à projet de l'Etat, qui finance un laboratoire d'innovation publique, le "lab zéro", comme "zéro SDF". Une expérience en miroir avec celle des "Grands voisins" à Paris.

A Velten, la cuisine, les sanitaires et le salon sont communs et les chambres meublées sommairement: deux lits garnis, des placards en métal, des tables et chaises en plastique. "On n'a pas refait les peintures car on doit parer au plus pressé, l'Etat ne nous prête le bâtiment que pour trois ans", rappelle Erick-Noël Damagnez, responsable du projet social.

- "Parcours fluide" -

"C'est un palais !", s'émerveille Yassine. "Je suis chez moi ! J'ai mes affaires, mon frigo". Lui qui a connu "bien des galères", trouve surtout du réconfort dans l'équipe du groupe SOS qui l'accueille. "Ils sont autour de moi, ils m'aident, ça fait du bien d'avoir quelqu'un qui pense à toi", dit-il dans un français hésitant.

Alors que la trêve hivernale s'est achevée le 31 mars, ce qui entraîne de nombreuses expulsions, "Coco Velten" reçoit chaque jour une nouvelle personne. Avec une priorité pour les "premières mises à la rue", explique Erick-Noël Damagnez, des personnes qui n'ont pas encore ou très peu connu la rue et demandent pour la première fois un hébergement.

Son credo: "Proposer un parcours fluide de la rue vers le logement durable, qui ne soit plus un parcours du combattant". A la sortie, le groupe SOS espère pouvoir proposer à la location 60 logements accompagnés en ville.

La démarche est aussi expérimentale, comme l'explique M. Damagnez: "On va analyser ce qui se passe dès qu'une personne est mise à la rue si on lui propose un toit". A Marseille, assure-t-il, "on pourrait loger tous les gens à la rue (ndlr: 14.000 selon un rapport publié par la préfecture) dans des bâtiments publics vides".

Au-delà du toit offert aux SDF, "Coco Velten" s'inscrit dans un lieu, dans un quartier. "Ce n'est pas une énième structure d'urgence en périphérie", décrit Sophia Daoud, coordinatrice Yes We Camp, une association "d'occupation urbaine", missionnée pour l'animation du lieu.

"Nous voulons aussi incuber des projets qui n'auraient pas vu le jour sans +Coco+", explique Sophia Daoud, "comme la cuisine du restaurant qui sera confiée à un groupe d'émigrés vénézuéliens qui n'avait pas les moyens d'ouvrir un établissement".

A Marseille, les initiatives autour du "logement d'abord" se multiplient depuis quelques années. Le projet Ailsi, en cours de financement, vise notamment à héberger des petits délinquants sans-abri pour leur éviter la prison.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.