Migrants : le fichier très controversé des mineurs attaqué au Conseil d'Etat

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Par Claire GALLEN - Paris (AFP)
Publié le 28 février 2019 - 14:02
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Une vingtaine d'associations emmenés par l'Unicef ont saisi jeudi le Conseil d’État contre le fichier très controversé des mineurs isolés étrangers, qu'elles accusent de servir la lutte contre l'immigration irrégulière au détriment de la protection de l'enfance.

Ces 19 associations et syndicats ont déposé un référé et une requête en annulation contre le décret du 31 janvier créant ce fichier biométrique, a-t-on appris auprès du Conseil d’État. Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) vise également l'article de la loi Asile-immigration introduisant cette disposition.

L'objectif est d'"obtenir rapidement la suspension de ce texte et à terme, son annulation", expliquent dans un communiqué ces associations, parmi lesquels l'Armée du salut, Médecins du monde, la Cimade et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS, qui revendique 850 associations).

Ce fichier vise à compiler les évaluations de l'âge des mineurs non accompagnés (MNA) réalisées dans divers départements. A cette fin les départements, qui sont chargés en France de la protection de l'enfance, pourront envoyer les jeunes en préfecture pour que leurs empreintes soient prises et leur identité relevée.

Mais pour les associations, une procédure de ce type porte "gravement atteinte aux droits de l'enfant" en organisant un "fichage de mineurs à d'autres fins que celles liées à leur protection" et en permettant aux préfectures "d'éloigner des jeunes sans que le juge des enfants ait pu statuer sur leur situation", explique le communiqué.

Les personnes évaluées majeures verront en effet leurs données reversées au fichier des étrangers majeurs, qui sont expulsables s'ils se trouvent en situation irrégulière. Les associations redoutent que cet éloignement n'intervienne avant la saisine du juge - étape au cours de laquelle "il n'est pas rare" que la minorité "soit finalement établie".

De son côté, le ministère de l'Intérieur a assuré que "les services de l’État seront vigilants à ce qu'un accueil adapté, rassurant et bienveillant soit prévu".

Sur 54.000 demandes d'évaluation, "seules 17.000 ont conclu que le jeune était effectivement mineur" l'an dernier, ajoute le communiqué du ministère, en assurant que le nouveau dispositif "permettra de mieux garantir la protection de l'enfance, en diminuant la charge et l'engorgement de l'aide sociale à l'enfance".

- Un casse-tête -

Pour justifier l'urgence de leur démarche, les requérants font valoir que le décret a déjà donné lieu à des "expérimentations" dans quelques départements avant sa généralisation "imminente" prévue pour avril.

Leur crainte vient notamment du recours possible "à d'autres fichiers pourtant parfaitement étrangers à la protection de l'enfance", tels que Visabio où sont centralisées les demandes de visa, et dont les "enjeux de fiabilité" avaient été soulignés par la Cnil. Beaucoup de jeunes se font en effet passer pour majeurs afin d'obtenir un visa.

Les plaignants soulignent aussi dans leur QPC que les garanties constitutionnelles sur les données personnelles compilées "doivent être protégées avec plus de rigueur encore" puisqu'elles concernent des enfants.

Le ministère de l'Intérieur a rappelé les "garanties" en termes de modalités de consultation du fichier et de durée de conservation des données. Le décret, qui a "fait l'objet d'échanges avec le monde associatif", a déjà été soumis à l'avis du Conseil d’État et de la Cnil dont "un certain nombre de demandes" ont été prises en compte, ajoute le communiqué.

Les mineurs non-accompagnés, longtemps hors des radars des questions migratoires, ont vu leur nombre tripler en deux ans pour s'établir à 40.000 selon l'assemblée des départements de France (des chiffres contestés par les associations).

L'attention avait commencé à se porter sur ces jeunes au moment de la "Jungle" de Calais, vaste bidonville où 1.500 mineurs non-accompagnés avaient été pris en charge lors du démantèlement en octobre 2016. Jeudi, la Cour européenne des Droits de l'Homme a condamné la France pour "traitement dégradant" d'un Afghan de douze ans qui vivait sur ce campement.

La prise en charge de ces mineurs est souvent un casse-tête, qui commence lors de l'évaluation de l'âge où le recours aux tests osseux reste utilisé. Le Conseil constitutionnel doit se pencher sur cette méthode le 12 mars.

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