Moins de suicides qu'il y a 10 ans en prison, où la prévention reste "une priorité"

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Par Caroline TAIX - Chauconin-Neufmontiers (France) (AFP)
Publié le 06 juillet 2018 - 14:57
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C'est "le choc carcéral", qui peut conduire jusqu'au suicide: "Quand la porte de la cellule se ferme pour la première fois, ça travaille dans la tête des détenus", raconte sous couvert d'anonymat le responsable du quartier des arrivants de la prison de Meaux-Chauconin.

En 2017, 117 suicides ont été comptabilisés dans les prisons françaises, soit un taux de 14,6 pour 10.000 écroués. C'est, selon l'Observatoire international des prisons (OIP), environ six fois plus que dans le reste de la population. Il y a moins de suicides qu'en 2009, où le taux était de 18,3 pour 10.000 écroués, mais plus qu'en 2014 (13,9 pour 10.000).

"La prévention du suicide est une priorité de l'administration pénitentiaire", assure Jimmy Delliste, sous-directeur des métiers à la direction de l'administration pénitentiaire (DAP).

Difficile de donner un profil type de la personne à risque. C'est parfois "une succession de choses" qui est à l'origine d'un suicide, explique le psychiatre Jean-Louis Terra. Cela peut être une dispute au parloir, un décès, des difficultés dans la vie carcérale, une décision judiciaire, la solitude lors des fêtes de fin d'année...

Une attention particulière est portée aux quartiers des arrivants, où les détenus qui entrent en prison restent jusqu'à 7 jours: c'est là que les suicides sont les plus nombreux. Les premières heures, quand le prisonnier découvre l'isolement, sont les plus difficiles. "Le risque suicidaire ne s'atténue qu'après 48 heures", explique M. Delliste. Les passages à l'acte sont également nombreux en quartier disciplinaire.

"Nous faisons des efforts pour atténuer le choc carcéral", raconte-t-il. Les surveillants des quartiers des arrivants ont été formés sur ce sujet, les stagiaires sont moins nombreux qu'ailleurs en détention. Une de leurs missions est de repérer le risque suicidaire et une fois par semaine, les acteurs de la détention se réunissent pour évoquer le cas de chaque nouveau prisonnier. Il peut y avoir des rondes toutes les demi-heures.

En 2009, l'administration pénitentiaire s'est dotée d'un plan de prévention, comprenant vingt mesures, dont la formation des personnels et la protection des personnes en crise.

Le dispositif des co-détenus de soutien a alors été créé: il existe aujourd'hui dans 13 établissements (sur un total de 188) et devrait se développer. Un détenu volontaire, ayant suivi une formation, est placé en cellule avec un prisonnier dont on craint un passage à l'acte.

- "Logique comptable" -

"Nous évaluons ces mesures, nous les adaptons si nécessaire", explique Jimmy Delliste. Une fois par an, se réunit un comité de pilotage, avec des surveillants et des directeurs d'établissements pénitentiaires, des magistrats etc., mais aussi des représentants du ministère de la Santé. Fin mai, ils étaient à la prison de Meaux-Chauconin, en Seine-et-Marne.

Parmi les participants: Jean-Louis Terra, qui a travaillé sur le plan de 2009. Il se félicite d'"un progrès considérable".

Le médecin évoque les cellules de protection d'urgence où sont placés les détenus en cas de risque suicidaire imminent, pour 24 heures maximum. Les vêtements donnés aux détenus sont déchirables et il n'y a aucun point d'accroche dans ces cellules afin d'éviter une pendaison. A Meaux-Chauconin, la télévision et ses câbles sont sous une bulle rigide transparente.

Dans cette situation de crise, le prisonnier a accès au psychiatre, soit à la prison, soit à l'hôpital. Mais c'est beaucoup plus compliqué en détention classique. Il peut y avoir plusieurs semaines d'attente, reconnaissent des participants au comité de pilotage.

"Les unités sanitaires sont calculées en fonction du nombre de places dans la prison. Donc la surpopulation peut rallonger les délais", explique Jimmy Delliste. A la maison d'arrêt de Meaux-Chauconin, le taux d'occupation était de 210% en décembre.

Pour Marie Crétenot, juriste à l'OIP, "on est dans une logique d'empêchement du passage à l'acte, et non de soin". "C'est une logique comptable, mais se demande-t-on comment vont les personnes ?", interroge-t-elle.

"On demande à un surveillant de gérer 90 détenus. On n'est pas dans l'approche humaine", déplore Thibault Capelle, délégué syndical FO-Pénitentiaire à Fleury-Mérogis (Essonne).

Dans cette prison, huit détenus se sont suicidés depuis le début de l'année, soit autant que lors des deux années précédentes. L'administration pénitentiaire a évoqué une "contagion suicidaire".

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