Municipales 2020 : faut-il interdire les "listes communautaristes" ?

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Par Anne-Sophie THILL, Claire GALLEN - Paris (AFP)
Publié le 04 octobre 2019 - 10:00
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Le président de la Région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, le 21 juin 2019 à Valenciennes
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© FRANCOIS LO PRESTI / AFP/Archives
Le président de la Région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, le 21 juin 2019 à Valenciennes
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Faut-il interdire les "listes communautaristes"? A six mois des municipales, la question a été soulevée par au moins deux responsables politiques. Mais les chercheurs appellent à la prudence face à un terme relevant selon certains du "microphénomène".

Le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand (ex-LR) a mis la question sur la table mi-septembre, demandant au gouvernement de prendre les dispositions pour interdire "qu'il y ait aux prochaines élections municipales des +listes communautaristes+".

"L'islam politique est en train de vouloir s'implanter", a-t-il averti, alors que les sujets migratoires agitent la classe politique, avec un débat à l'Assemblée nationale lundi.

La porte-parole LREM Aurore Bergé s'est elle aussi dite récemment "très favorable à l'idée qu'on les interdise. Ce sont des listes qui sont dangereuses pour la République".

A quelles listes les deux responsables font-ils allusion? Contacté par l'AFP, Xavier Bertrand cite notamment l'Union des démocrates musulmans français (UDMF) qui selon lui "se revendique anti-impérialiste, antisioniste, anticolonialiste"

Créée en 2012, l'UDMF revendique 900 adhérents. Elle a recueilli moins de 29.000 voix aux européennes, avec des pics dans certaines communes: 7,43% à Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise), 6,77% à Mantes-la-Jolie (Yvelines)... A Poissy (Yvelines), un bureau avait recueilli 29,81% des voix. Mais 1,57% sur toute la commune.

Pour les municipales de 2020, l'UDMF a "une cinquantaine de listes en préparation", assure à l'AFP son président et fondateur Nagib Azergui, qui réfute vigoureusement les "amalgames sournois" avec le communautarisme.

Le parti se présente sur son site comme "non confessionnel, laïc et profondément républicain". Mais "le musulman est un épouvantail qu'on resort à l'approche de chaque élection", soupire-t-il.

Car le terrain sémantique est miné. "Personne ne se revendique comme ayant une +liste communautariste+, le terme n'est utilisé que pour discréditer d'autres personnes", observe le sociologue Fabrice Dhume-Sonzogni, auteur de "Communautarisme. Enquête sur une chimère du nationalisme français".

- "Microphénomène" -

Autre parti, issu lui de la communauté franco-turque, le Parti Egalité Justice (PEJ) donne "rendez-vous en 2020 pour les municipales!" sur son site internet. Mais le parti créé en 2015, qui réclame "un moratoire sur la laïcité" et combat "l'enseignement de la théorie du genre", avait plafonné à 10.000 voix aux législatives de 2017.

Pour Vincent Tiberj, professeur à Sciences-Po Bordeaux, il ne faut pas surestimer un "microphénomène".

"Depuis les européennes de 2004 de telles listes essayent d'exister. Les résultats sont très faibles, quand elles réussissent à avoir des candidats et se présenter", note-t-il, en rappelant que l'UDMF "a fait 0,13% des voix aux européennes pour une population de 4 millions de musulmans en France".

On est loin du scénario de "Soumission", le roman de 2015 où Michel Houellebecq imaginait l'élection d'un président musulman en France.

Pour M. Tiberj, "la notion de vote musulman est à relativiser". Ils "votent surtout à gauche" car pour eux "l'agenda religieux n'est pas premier", affirme-t-il à l'AFP.

Il est d'ailleurs difficile, selon lui, d'estimer le nombre total de listes sur les rangs aux municipales.

Reste qu'en cette période de pré-municipales, l'immigration est sur le devant de la scène, avec récemment un violent discours anti-musulmans du polémiste Eric Zemmour.

En mai déjà, avant les européennes, la validation par l'Intérieur de la liste de l'UDMF avait été critiquée par plusieurs figures LR. Le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti s'était inquiété de "la montée du communautarisme islamiste qui gangrène notre société", et le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin (ex-LR) avait estimé qu'il fallait "que la République se défende" face à ces listes.

"S'il y avait eu la moindre virgule de travers, on nous aurait, à juste titre, interdits", estime M. Azergui.

Le droit permet de dissoudre un groupe incitant à la discrimination raciale.

Mais manifester une appartenance à une religion "n'est pas un élément de nature à priver une personne de la possibilité d'être candidate", qui se rattache "au droit de suffrage, à la liberté d'expression", analyse Romain Rambaud, professeur de droit public à l'université de Grenoble.

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